La ratification du traité de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et les pays du Mercosur se rapproche. Malgré les objections françaises et la fronde des agriculteurs, Bruxelles a adopté ce mercredi 3 septembre une proposition d’accord global avec l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay, ainsi qu’une proposition dite «intérimaire» sur le commerce. Point de départ d’un processus de ratification qui devra encore être validé par les Etats membres et le Parlement européen.
L’accord, qui permettra à l’UE d’exporter davantage de voitures et de spiritueux dans les pays tiers en contrepartie d’importations de viande, de sucre, de riz ou encore de soja, risque de déstabiliser certaines filières agricoles selon ses détracteurs, qui reprochent également aux agriculteurs du Mercosur de ne pas respecter les normes européennes. En écho aux revendications du mouvement de colère agricole, Emmanuel Macron et le gouvernement ont réitéré pendant des mois leur opposition à un accord commercial jugé «inacceptable» en l’état.
Clauses de sauvegarde
Pour répondre aux craintes hexagonales, la Commission a ajouté des clauses de sauvegarde pour protéger les produits agricoles. Concrètement, explique un haut fonctionnaire européen, un maximum de 99 000 tonnes de bœuf pourra être importé chaque année avec des droits de douane réduits. Mais si l’Europe s’aperçoit que son marché est déstabilisé par ces importations, une clause de sauvegarde pourra être actionnée pour y mettre un terme. Par ailleurs, Bruxelles s’est engagé à ce qu’un acte juridique, voté par les Etats membres et le Parlement, renforce ces clauses de sauvegarde.
A la sortie du Conseil des ministres ce mercredi, la porte-parole du gouvernement Sophie Primas s’est félicité que «l’Union européenne, et singulièrement la présidente [de la Commission, ndlr], aient entendu les réserves émises» par la France, qui va «analyser» ces clauses de sauvegarde. Il faut notamment qu’une clause de sauvegarde «puisse être actionnée par un seul pays et non pas plusieurs» et puisse «s’appliquer de façon temporaire avant une décision définitive», demande Sophie Primas.
En conférence de presse mardi, le président de la FNSEA (premier syndicat agricole français) prévenait être opposé à de simples clauses de sauvegarde, préférant la mise en place de mesures miroirs plus exigeantes. Dans un communiqué, la Fédération nationale bovine (FNB, affiliée au syndicat majoritaire) a dénoncé une «trahison des éleveurs» et appelé la France à s’opposer publiquement à l’accord. La Confédération paysanne, avec ses alliés européens de la Via Campesina, a déjà prévu de manifester jeudi à Bruxelles.
Augmentation des exportations de fromages et de vin
Techniquement, le fait d’avoir «scindé» l’accord global avec une proposition intérimaire permet de faire adopter l’accord commercial avec une majorité qualifiée des Etats membres, et non à l’unanimité, comme ce sera le cas pour l’accord global. Les pays n’auront donc pas la possibilité d’avoir recours à leur droit de veto. Un «déni de démocratie» selon la FNB, qui appelle à une saisine de la cour de justice européenne (CJUE). L’eurodéputé Renew Pascal Canfin a annoncé lundi une initiative transpartisane pour saisir la CJUE.
Au plus tôt, l’accord commercial intérimaire pourra entrer en vigueur «au troisième trimestre 2026», pronostique un haut fonctionnaire de la Commission qui se félicite d’un «bon accord», qui «va permettre à nos agriculteurs d’augmenter les exportations dans énormément de filières», citant les fromages et produits laitiers et les vins et spiritueux.
Il s’agit de «l’accord le plus important jamais négocié par l’UE», toujours selon cette même source européenne, qui insiste sur la nécessité d’entretenir des liens commerciaux avec les alliés de l’Europe après l’entrée en vigueur des droits de douane américains et le contexte géopolitique «incertain». Dans un communiqué, la Commission européenne affirme que ce traité avec le Mercosur crée «la plus grande zone de libre-échange au monde», prévoyant d’augmenter les exportations européennes vers ces pays de 39 %.