Un «véritable Moyen Age du travail». Les syndicats et la gauche grecque s’insurgent contre le vote parlementaire qui rend possible une journée de travail de treize heures. Dans un pays où l’économie s’est redressée depuis la crise financière mais reste plombée par les bas salaires, cette possibilité existe déjà mais uniquement si un employé dispose de deux employeurs ou plus.
Le nouveau projet de loi, porté par le gouvernement conservateur piloté par Kyriákos Mitsotákis, élargit désormais ce dispositif, valable jusqu’à trente-sept jours par an – soit environ trois jours par mois – moyennant rémunération. «Nous donnons désormais la possibilité d’effectuer ce travail supplémentaire chez le même employeur, sans déplacement, avec une rémunération majorée de 40 %», a défendu au Parlement la ministre grecque du Travail et de la Sécurité sociale, Niki Kerameus. Travailler plus et gagner plus, donc, sur la base du volontariat et avec garantie qu’aucun employé n’y sera contraint, a-t-elle assuré.
Une «dérégulation du travail»
Le vote a eu lieu ce jeudi matin à l’issue de deux jours de débats houleux entre certains élus, majoritairement issus de la droite au pouvoir, et l’opposition. A deux reprises, le 1er octobre et ce mardi 14 octobre, la Grèce s’était retrouvée partiellement paralysée par une grève générale pour protester contre la réforme. L’une des principales formations de l’opposition qui menait ce mouvement, le parti de gauche Syriza, a refusé ce jeudi matin de participer au vote. Le porte-parole du groupe parlementaire, Christos Giannoulis, a fustigé une «monstruosité législative, une dérégulation du travail qui s’attaque […] aux droits fondamentaux» des travailleurs.
Une opposition à laquelle la ministre du Travail rétorque qu’il existe selon elle «des travailleurs qui demandent à travailler davantage d’heures», surtout dans le secteur du tourisme, l’un des principaux moteurs de l’économie où l’été, serveurs, personnels hôteliers et cuisiniers enchaînent les journées à rallonge. En cas de forte demande dans un secteur comme celui-ci, le gouvernement avait déjà instauré la possibilité d’une semaine de travail de six jours.
Plus globalement, les détracteurs du projet dénoncent de leur côté la forte dérégulation du marché du travail engagée par Mitsotákis depuis son arrivée au pouvoir en 2019. «La journée de treize heures n’est pas venue de nulle part», a ainsi souligné Níkos Androulákis, le dirigeant du principal parti d’opposition de centre gauche, le Pasok. «C’est le nouveau maillon d’une chaîne de démantèlement méthodique des droits des travailleurs», a-t-il ajouté.
En réaction, le parti de droite de Mitsotakis, Nouvelle Démocratie, contre-attaque et fait valoir le fort recul du chômage en Grèce depuis son arrivée au pouvoir, de 18 % à 8 % en 6 ans.
Une situation «profondément problématique»
Du côté des syndicats, la Confédération des travailleurs grecs dénonce une «nouvelle aggravation d’une situation déjà profondément problématique». En soulignant que beaucoup d’employés n’auront guère la possibilité de refuser de travailler treize heures «compte tenu du rapport de force déséquilibré entre employeur et salarié, renforcé par la précarité qui prévaut sur le marché du travail», ils s’inquiètent de voir le droit à un repos obligatoire quotidien de onze heures bafoué, notamment en raison du temps de transport pour se rendre sur le lieu de travail. D’autant plus que les contrôles de l’inspection du travail sont faibles, arguent les opposants au projet.
La ministre du Travail dénonce pour sa part «une utilisation trompeuse du terme “journée de treize heures”», qui «laisse entendre que tout le monde travaillerait treize heures par jour». En Grèce, au deuxième trimestre 2025, 20,9 % des salariés de 20 à 64 ans travaillaient plus de quarante-cinq heures par semaine, souligne Eurostat, contre 10,8 % dans l’ensemble de l’Union européenne.