Funérailles d’Etat célébrées mercredi 14 juin dans le Dôme de Milan, message du pape François invoquant pour Silvio Berlusconi «une paix éternelle», une minute de silence sur tous les terrains de foot jusqu’à dimanche ou encore renvoi à une date ultérieure de la direction du parti démocrate prévue lundi… A l’annonce de la disparition, à 86 ans, de l’ancien président du Conseil qui souffrait d’une leucémie, l’Italie a salué l’homme qui, d’abord comme entrepreneur puis comme politicien, a profondément marqué le pays.
«Le Cavaliere a été l’autobiographie de la nation», a résumé le directeur du quotidien la Stampa Massimo Giannini. «Silvio Berlusconi appartient à l’histoire de ce pays. Certains l’ont aimé, certains l’ont haï mais nous devons tous reconnaître aujourd’hui que son impact sur la vie politique, mais aussi économique, sportive et télévisuelle a été sans précédent», a commenté l’ancien Premier ministre (centre gauche) Matteo Renzi.
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Entre souvenirs personnels et glorification de son action politique, la droite dans son ensemble a exprimé sa vive émotion. Evoquant «l’un des hommes les plus influents de l’histoire de l’Italie», Giorgia Meloni a célébré un «homme qui n’avait jamais peur de défendre ses convictions». L’actuelle cheffe du gouvernement lui doit en partie son ascension politique avec sa nomination au ministère de la Jeunesse, en 2008, dans le quatrième gouvernement Berlusconi. «Je suis très ému. Pendant de nombreuses années, il a été pour moi comme un frère», a fait savoir Umberto Bossi, le leader de la Ligue du Nord que Silvio Berlusconi avait, comme pour les post-fascistes, banalisée en faisant entrer le parti pour la première fois au gouvernement en 1994, à l’époque sécessionniste.
«Protagoniste de l’histoire» de l’Italie
Longtemps considéré comme une menace pour la démocratie par une partie du pays, Silvio Berlusconi récolte pourtant une pluie d’hommages, bien au-delà du périmètre de la droite et de l’extrême droite. Mario Draghi a notamment souligné qu’en tant qu’entrepreneur «il a révolutionné le monde de la communication et du sport, avec un esprit d’initiative et d’innovation extraordinaires. En tant que leader, il a transformé la politique et a été aimé par des millions d’Italiens pour son humanité et son charisme». «Tout nous divisait et nous divise, poursuit-il. Mais il demeure le respect que l’on doit humainement à celui qui a été un protagoniste de l’histoire de notre pays.»
Avec la disparition du Cavaliere s’éloigne aussi l’image du caïman – qui lui avait été affublée lorsque, empêtré dans les affaires, il combattait les magistrats à coups de lois ad personam. «Pour de nombreuses personnes de ma génération, Silvio Berlusconi a été la raison pour laquelle nous nous sommes intéressés à la politique : pour lui ou contre lui», a tout de même rappelé l’ancienne maire (Cinq Etoiles) de Turin Chiara Appendino. Elle évoque notamment la fracture qu’a provoquée la présence du magnat de la communication dans l’arène politique de janvier 1994 (avec son «entrée sur le terrain» électoral) à décembre 2011 (date de la chute du dernier cabinet Berlusconi). «Berlusconi a fait exploser les règles de la politique, se souvient Achille Occhetto, le candidat de la gauche postcommuniste battu aux élections de 1994 à la suite d’un duel télévisé contre le Cavaliere. Lors de ce débat […], Berlusconi lança ses premières flèches populistes.»
Luttes de clans
Bien que Forza Italia, son parti, ne pèse plus qu’environ 8 % dans les intentions de vote et que le parti n’est qu’une force d’appoint de la majorité d’extrême droite, la mort de Silvio Berlusconi pourrait rebattre les cartes de la politique italienne. «Ce sera certainement plus difficile sans lui, parce qu’il réussissait à mettre tout le monde d’accord», a indiqué le leader de la Ligue, Matteo Salvini. Outre son expérience politique, la puissance économique et médiatique du Cavaliere lui garantissait de conserver une certaine influence.
L’avenir de son groupe économique, Fininvest, n’est pas totalement défini même si plusieurs de ses enfants sont depuis des années aux postes de commande et que la direction assure dans un communiqué que «les activités se poursuivront dans une continuité absolue». Celui de Forza Italia est beaucoup plus incertain. Silvio Berlusconi a toujours veillé à éliminer les dauphins potentiels et les luttes de clans font rage, s’amplifiant depuis plusieurs mois en parallèle de l’affaiblissement physique du patron. Les électeurs de Forza Italia vont faire l’objet de convoitises et les hostilités au sommet du parti pourraient être de mise rapidement. Elles attendront au moins la fin de la journée de deuil national, mercredi 14 juin, avec les funérailles d’Etat qui réuniront le monde de la politique, de l’entreprise, du sport des médias.