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Mort de Navalny : assassinés, emprisonnés... qui sont les autres opposants à Vladimir Poutine ?

Décédé ce vendredi 16 février dans la prison de Kharp selon les agences russes, Alexeï Navalny faisait partie d’innombrables autres opposants russes assassinés, emprisonnés, ou toujours en liberté.
Boris Nemtsov en 2014 pour la marche pour la paix à Moscou (Wikicommons)
publié le 16 février 2024 à 14h37

Ils sont forcés à l’exil, emprisonnés, parfois tués. Depuis l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en 2000, la répression envers les opposants politiques va bon train en Russie. Elle s’est accélérée depuis le début de la guerre en Ukraine en février 2022. Alexeï Navalny, sûrement le plus célèbre d’entre eux, est le dernier à en avoir fait les frais : ce vendredi 16 février, les agences russes ont annoncé la mort en prison du militant de 47 ans. Si la sienne s’est éteinte comme d’autres avant lui, quelques voix dissidentes à celle du maître du Kremlin, qui muselle toute critique, s’élèvent encore, même péniblement. Tour d’horizon de ces critiques les plus connues et virulentes de la Russie de Vladimir Poutine.

Ils sont emprisonnés : Vladimir Kara-Murza, Ilia Iachine

D’autres échappent à la mort et croupissent en prison à l’issue de simulacres de procès. Vladimir Kara-Murza, l’une des dernières figures d’opposition au président Vladimir Poutine, avait survécu selon lui à deux tentatives d’empoisonnement survenues en 2015 et en 2017. Le 17 avril 2023, il a été condamné à vingt-cinq ans de prison pour «haute trahison» et diffusion de «fausses informations» sur l’armée russe. En janvier dernier, le militant pro-démocratie et ancien journaliste de 42 ans avait écrit dans une lettre être détenu dans une colonie pénitentiaire en Sibérie, dont le régime est réputé pour sa sévérité.

Deux jours après le procès de Kara-Murza, le critique du pouvoir Ilia Iachine avait, lui, vu sa condamnation à huit ans et demi de prison confirmée en appel après avoir été jugé coupable de diffusion de «fausses informations» sur l’armée russe. En avril 2022, dans une vidéo diffusée en direct sur YouTube, le député municipal de Moscou avait dénoncé «le meurtre de civils» dans la ville de Boutcha, en Ukraine, où les soldats du Kremlin sont accusés d’avoir commis des crimes de guerre en masse. Il avait été arrêté en juin de la même année.

Ils ont été assassinés : Anna Politkovskaïa, Boris Nemtsov

Elle avait 48 ans lorsqu’elle a été abattue dans le hall de son immeuble à Moscou, en octobre 2006. Anna Politkovskaïa, journaliste à Novaïa Gazeta – un des seuls médias indépendants du pays interdit par la justice russe en 2022 – avait pour seul tort de documenter et dénoncer depuis plusieurs années les crimes de l’armée russe en Tchétchénie, en plus d’être une critique influente de Vladimir Poutine.

Sept ans plus tard, c’était au tour de Boris Nemtsov d’être tué de sang-froid. Ancien proche de Boris Eltsine, l’ex vice-Premier ministre avait basculé dans l’opposition dans les années 2000, après l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine. En 2014, il s’était opposé à l’annexion de la Crimée par l’autocrate du Kremlin, et au soutien militaire de la Russie aux séparatistes de l’est de l’Ukraine. Moins d’un mois plus tard, en février 2015, le militant de 55 ans était assassiné de quatre balles dans le dos. Il se trouvait alors sur un pont, à quelques dizaines de mètres du Kremlin.

Ils sont libres : Mikhaïl Khodorkovski, Evgueni Roïzman, Oleg Orlov

Ceux qui échappent aux mailles du filet autoritaire russe se comptent sur les doigts de la main. En 2013, c’est après avoir essuyé dix ans de prison que l’ex-oligarque et critique du Kremlin Mikhaïl Khodorkovski avait été gracié par Vladimir Poutine et envoyé en exil forcé en Allemagne. Il avait promis de se consacrer désormais à la défense des prisonniers politiques en Russie.

Evgueni Roïzman, ancien maire de la quatrième ville du pays, Ekaterinbourg – jusqu’à sa démission forcée en 2018 – a lui échappé de peu à la prison en ressortant libre de son procès le 18 mai 2023. Après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’homme politique de 61 ans ne s’était pas privé de critiquer la guerre. Seule sanction pour ce haut méfait : une amende de 260 000 roubles (environ 3 000 euros) pour avoir «discrédité» l’armée russe dans une vidéo publiée sur YouTube en juillet 2022. «Je trouve que dans les conditions actuelles, il s’agit d’un acquittement», avait-il déclaré à la sortie. L’opposant n’avait pas l’intention de faire appel.

Et ce vendredi 16 février, c’est le dissident Oleg Orlov, cofondateur et figure historique de l’ONG russe Memorial – colauréate du prix Nobel de la Paix 2022 et dissoute par la justice russe – qui vient de vivre une bien courte audience. Le juge a ajourné le procès et fixé deux nouvelles audiences, les 21 et 26 février. En octobre, l’infatigable défenseur des droits de l’homme avait été jugé coupable de «discrédit des forces armées russes» et condamné en première instance à une amende de 150 000 roubles (environ 1 400 euros). Avant que le parquet ne change finalement d’avis et fasse appel, déplorant une sanction «excessivement légère». En décembre, à l’issue d’une seconde audience, le tribunal municipal de Moscou avait finalement reporté le procès du militant. Ce vendredi, l’annonce du décès d’Alexeï Navalny a coupé court à cette mascarade.