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Interview

Nicola Gratteri: «La ‘Ndrangheta a grandi en silence»

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Le procureur de Catanzaro, menacé de mort par la mafia calabraise, estime que trente ans après la mort des juges Falcone et Borsellino, la lutte contre la mafia ne fait plus partie des priorités du gouvernement italien.
Après une attaque de la mafia calabraise à Duisbourg, en Allemagne, le 15 août 2007. (Peter Wijnands/Picture-alliance. Dpa. AP)
publié le 30 mai 2022 à 9h16

La vita blindata depuis trente-trois ans. Procureur de Catanzaro en Calabre (sud de l’Italie), Nicola Gratteri vit sous protection policière depuis avril 1989, quand il a commencé à lutter contre la ’Ndrangheta, la mafia calabraise devenue l’une des plus puissantes organisations criminelles de la planète. Cet enfant du Mezzogiorno italien, qui voyait parfois des cadavres sur le bord de la route en allant à l’école avec les fils des boss, est à l’origine d’un vaste coup de filet, notamment au sein de la famille Mancuso en 2019. En janvier 2021, un maxi-procès avec 350 accusés et 900 témoins s’est ouvert et permet d’éclairer l’emprise de la ’Ndrangheta qui réalise chaque année environ 55 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Dans une interview à Libération, Nicola Gratteri rappelle comment la mafia calabraise a réussi à «faire système», c’est-à-dire à établir des liens avec des entrepreneurs, des fonctionnaires et des politiques pour s’infiltrer dans l’économie légale et conquérir la planète.

Trente ans après les attentats de Capaci et de Palerme, la double mort de Giovanni Falcone et de Paolo Borsellino, l’Etat italien a-t-il pris la mesure de la puissance de la mafia, de la nécessité de lutter contre ?

L’Etat a réagi après les massacres de Palerme. Elle est parvenue à arrêter et à condamner presque tous les membres du clan dirigé par Toto Riina, responsable des massacres et des attentats de 1992-1993 au sein de Cosa Nostra. Mais, dorénavant la lutte con