Sur les écrans des douaniers estoniens, les rayons X ont dessiné un plan de coupe. Le semi-remorque d’un blanc sale, garé à quelques mètres dans un hangar du poste-frontière de Luhamaa, est disséqué jusqu’aux entrailles. Sa cargaison en surbrillance forme des masses régulières, difficiles à interpréter pour un œil profane. «Tout semble réglo», indique l’un des officiers après quelques zooms et dézooms. La cargaison est éclectique. Ballots de cuir en provenance d’Argentine et disques vinyles. «Frank Zappa, Elton John, Eminem, on a un peu de tout», ajoute-t-il, l’air goguenard.
A priori, rien de nature à attirer l’attention d’un douanier. Rien, sauf la destination : le camion attend pour entrer en Russie. Or, depuis l’invasion de l’Ukraine, l’Union européenne a adopté treize paquets de sanctions contre le régime du Kremlin. Elles interdisent l’entrée sur le territoire russe de toute une série de marchandises, des voitures de luxe aux composants à double usage qui peuvent servir à fabriquer des armes. De l’autre côté de la frontière, les entreprises russes ou l’Etat lui-même ont recours à toutes sortes de strata