Prendre de la hauteur pour relancer l’Europe mais aussi pour tenter de se relancer lui-même, tel est l’exercice auquel le chancelier allemand Olaf Scholz s’est livré lundi 29 août à l’université Charles à Prague. Présenté comme une réponse aux visions européennes énoncées par Emmanuel Macron en 2017 dans le «discours de la Sorbonne», le texte de Scholz est venu combler cinq ans sans réponse de la part d’Angela Merkel, et ce, avant les deux sommets européens sur l’avenir de l’Europe qui auront lieu en octobre.
Dans une prise de parole de cinquante minutes, une éternité pour ce chancelier qui adore répondre aux questions complexes des journalistes par oui ou par non, le dirigeant social-démocrate n’a été que modérément visionnaire, préférant livrer de nombreuses propositions de réformes plus ou moins fraîches dans à peu près tous les secteurs.
Si ces propositions de renforcement de la défense européenne, comme la concentration des industries d’armement, la création d’un conseil européen de défense ou un système antiaérien européen, sont déjà connues et/ou restent vagues, on retiendra tout de même que l’Allemagne, qui a longtemps joué la carte russe, se tourne vraiment vers l’Europe de l’Est. Scholz veut ainsi «s’engager pour l’élargissement de l’Union européenne [UE] aux Etats des Balkans occidentaux», ainsi qu’à l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie.
Transfert de souveraineté vers l’UE
Dans cette future configuration, les règles de fonctionnement devront forcément évoluer, a expliqué le chancelier. Il propose en conséquence l’abandon de la prise de décision à l’unanimité pour ne pas paralyser le fonctionnement de l’UE. L’annonce, qui équivaut à un transfert relatif de souveraineté vers l’UE, et déplaît aux petits pays européens soucieux de leur pouvoir de véto, est en tout cas un pas de taille pour l’Allemagne. Au passage, Scholz a soutenu une intervention soudée et rapide sur les marchés de l’énergie pour limiter les hausses de prix.
Outre-Rhin, les commentateurs ont accueilli le discours avec un intérêt poli et un hochement de tête sceptique. «On ne devient pas un grand Européen avec de grandes thèses, mais seulement avec de grandes actions», rappelle le quotidien conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung. Quant au quotidien de centre gauche Süddeutsche Zeitung, il a l’impression «que le chancelier a présenté quelque chose qui a été écrit par des bureaucrates du gouvernement à Berlin pour des bureaucrates du gouvernement dans d’autres capitales, mais qui passe complètement à côté de la vie de la plupart des gens normaux».
Pendant que Scholz discourt sur l’Europe, les Allemands «normaux» sont effectivement livrés à la crise gazière et le gouvernement fédéral se trouve face à deux défis très concrets. D’abord éviter le brutal choc social qui se profile pour les foyers défavorisés avec le rattrapage des prix de l’énergie prévu début octobre. Ensuite, faire que le pays ait de quoi se chauffer et faire tourner ses usines pendant l’hiver.
Des semaines pour prendre position
Face à cela, le style indécis et parfois mutique adopté par Olaf Scholz depuis le début de son mandat n’améliore pas les choses. Il a fallu des semaines pour qu’il prenne position contre le pipeline Nord Stream 2 ou sur les livraisons d’armes à l’Ukraine. Et quand une commission d’enquête l’interroge sur d’étranges cadeaux fiscaux faits à une banque du temps où il était maire de Hambourg, il ne se souvient de rien.
Enfin, sur la crise du gaz et la manière de préparer le pays à l’affronter, il préfère laisser son ministre de l’Energie et du climat, l’écologiste Robert Habeck, monter au créneau. Mais si ce dernier encaisse les coups, il récolte aussi les bons points. Ce qui énerve les deux autres partis de la coalition, libéraux et sociaux-démocrates, de moins en moins solidaires. Le tout donne l’impression qu’il n’y a pas de pilote dans l’avion. Ce n’est donc pas le discours de Prague qui va relancer Olaf Scholz dont la popularité (25% d’opinions positives – sondage Insa), est en train de s’effondrer.