Depuis deux jours, Oleksandra Silakova avait un pressentiment bizarre. «Comme si quelqu’un était en train de se dépêcher pour venir me retrouver», dit la jeune femme qui vient de fêter ses 23 ans, en faisant tourner son alliance autour d’un annulaire à la manucure rose pâle impeccable. Son mari, le soldat Denis Silakov de la 56e brigade de Berdyansk, dans le sud de l’Ukraine, aujourd’hui en territoire occupé et dont le couple est originaire, a été fait prisonnier par les Russes en avril 2022. Toute son unité a été capturée pendant la prise de Marioupol. Depuis bientôt deux ans, la jeune femme, qui a donné naissance à une petite Macha le 15 mai 2022, attend le retour de Denis, de trois ans son aîné, et guette fébrilement chaque échange de prisonniers entre Moscou et Kyiv. Le dernier a eu lieu le 3 janvier, mais il n’était pas dedans.

«Ce matin, je reçois un texto d’une femme que je connais, elle écrit : “Le mien est sorti.” J’ai répondu : “Félicitations.” Elle m’a dit : “A toi aussi.” Sauf que moi, je n’avais aucune nouvelle de mon Denis. Je savais juste qu’un échange de prisonniers était en cours», explique Oleksandra. Tous les jours, du matin au soir, elle surveille frénétiquement les réseaux sociaux russes et ukrainiens, à l’affût du moindre indice. Et se démène au sein d’une ONG d’aide aux proches des prisonniers de guerre et de personnes disparues.

Macha, 20 mois, nez retroussé et mèche blonde indisciplinée, grimpe sur le canapé à côté de sa mère, lui chipe s