Le bras articulé du robot soulève dans les airs la lourde pièce oblongue, l’introduit délicatement dans une machine. A chaque étape de l’usinage, l’acier s’affine, se dessine, se polit. A la sortie de la chaîne, deux jeunes opérateurs vérifient la qualité de chaque corps d’obus de 155 mm, lustrant avec soin l’objet brillant aux lignes épurées. «Les Forges de Tarbes nous envoient des ébauchés. Ici, on ne s’occupe que du sensible, de la haute technicité», explique un des cadres de l’usine KNDS (ex-Nexter) de La Chapelle-Saint-Ursin, dans le Cher.
Après l’explosion meurtrière d’une usine de grenades rue de Tolbiac, à Paris, en 1915, la fabrique a été délocalisée dans la campagne berrichonne, où elle a été plus tard bombardée par les Allemands. Aujourd’hui, les ateliers sont disséminés sur 170 hectares pour éviter des réactions en chaîne en cas d’accident. Par un retournement de l’histoire, c’est dans cette même usine que le franco-allemand KNDS, un des leaders européens de la défense terrestre dont le chiffre d’affaires a doublé entre 2021 et 2024 pour atteindre environ 4 milliards d’euros, fabrique la totalité des munitions de moyen et de gros calibre tirées par les canons des véhicules légers, des chars, des avions et des bateaux de l’armée française. Elle tourne à plein régime depuis que l’invasion russe en Ukraine a de nouveau fait résonner les canons en Europe, à une cadence comparable à celle de la Première Guerre mondiale.
5 millions d’obus tirés par an par la Russie
Depuis la chute du mur de Berlin et l’avène