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Libération
Reportage

Panne d’électricité massive en Espagne : à Madrid, argent liquide, magasins fermés et chaos automobile

La coupure de courant géante qui paralyse la péninsule ibérique, lundi 28 avril, a bouleversé le train-train de la Gran Via de la capitale espagnole.
Dans une boutique de souvenirs, à Malaga. (Jorge Guerrero/AFP)
publié le 28 avril 2025 à 20h02
(mis à jour le 28 avril 2025 à 23h28)

«Estamos bien jodidos.» Traduisons aimablement par «on est vraiment dans la panade». Elle est toute désolée, Laura, employée à Starbucks sur la Gran Via de Madrid, appuyée au comptoir avec ses autres collègues désœuvrés. Plus d’électricité, plus de cuisson, plus de glaçon, plus de paiement par cartes. Dans cette artère, la plus emblématique de Madrid, où bien sûr tous les distributeurs de billets sont en panne, les plus chanceux sont ceux qui ont de l’argent liquide en poche.

Y règne une atmosphère des plus étranges, chargée d’hyper réalisme, d’une normalité factice. Par grappes, les touristes profitent de la chaleur madrilène sur les terrasses. Mais beaucoup ne peuvent rejoindre leur hôtel ou leur Airbnb, où presque tout, désormais, est automatisé. Les magasins sont quasiment tous fermés, sauf celui-ci, un Wallapop (une ressourcerie) où «on fermera des que les batteries des terminaux de paiements seront pleinement déchargées», sourit un vendeur, un brin narquois.

La panne d’électricité géante qui paralyse la péninsule ibérique, lundi 28 avril, a causé quelques bouffées d’angoisses dans la capitale de l’Espagne. Des employés de bureau déconcertés se sont rassemblés dans les rues, leurs ordinateurs étant devenus inutilisables.

Métros pas accessibles

Sur l’artère de la Gran Via, le trafic est un chaos inimaginable : en quelques heures, le transport est devenu un casse-tête dans le cœur de la capitale. Pour remplacer les feux qui fonctionnent quand ils veulent (c’est-à-dire très faiblement), policiers municipaux et nationaux s’époumonent dans leurs sifflets pour faire passer des cohortes de voitures. Le Bicimad, vélo municipal électrique de la capitale, n’offre que des stations vides. Les métros ne sont plus accessibles, après que des dizaines de passagers sont restés coincés dans le tunnel entre deux quais.

L’objet de tous les désirs, ce sont les bus. Mais ils sont rares. Sur la Place d’Espagne, les files d’attente pour des véhicules qui partent vers les banlieues s’allongent sur plus de 300 mètres. Pour amplifier le chaos, les gyrophares sont omniprésents. Voitures de police, mais surtout les ambulances du Samur, les urgences espagnoles, qui vont tenter de sauver ceux qui ont été bloqués dans des ascenseurs entre deux étages.

En direction du marché populaire des Mostenses, juste derrière la Gran Via, l’hébétude se lit sur les visages. Beaucoup parlent d’aller se ravitailler au plus vite dans les grandes surfaces, mais les hypermarchés ont tiré le rideau. Les petits commerces, magasins de fruits tenus par des Indiens ou les épiceries des Chinois, sont pris d assaut. On n’y trouve plus ni bougies, ni briquets, ni piles.

«Il faut être prudent», avertit Maria Luisa, chargée de production en télétravail, sortie en trombe de chez elle. Comme d’autres, elle a improvisé un conciliabule avec des inconnus. Cyberattaque ? Un coup des Russes ? D’Israël ? Un phénomène climatique étrange ? Les hypothèses les plus saugrenues y passent. Un électricien assis sur un échafaudage, les mains ouvertes en signe de fatalité, lâche : «Si tout n’est pas rétabli d’ici à demain, ça va être un immense bazar.»