Pour la première fois dans l’histoire du Grand Duché, un homme politique est accusé de plagiat. Selon les révélations du média en ligne Reporter.lu, seules deux pages sur 56 du mémoire de fin d’études du Premier ministre, Xavier Bettel, un DEA (Diplôme d’études approfondies), obtenu en 1999, ne sont pas plagiées, avec 20 pages copiées telles quelles du site internet du Parlement européen, sans avoir indiqué la source. Les révélations publiées mercredi matin sous le titre «le Premier copier-coller» pèsent lourd sur le chef de gouvernement.
Il s’agit d’un mémoire sur les réformes possibles des modes de scrutin aux élections du Parlement européen que Xavier Bettel a rédigé dans le cadre de son DEA en sciences politiques et droit public à l’université de Nancy. En 1999, parallèlement à ses études, le jeune Luxembourgeois avait déjà une carrière politique remarquable dans son pays. Après avoir été président de la Jeunesse démocrate et libérale du Luxembourg pendant cinq ans, il était élu cette même année à la Chambre des députés et au conseil municipal de la capitale. Il avait alors 26 ans.
Selon le directeur de son mémoire, Etienne Criqui, professeur à la faculté de droit de Nancy, Xavier Bettel était un élève extrêmement impliqué et occupé. «Il n’a pas rendu un travail exceptionnel, mais néanmoins honorable», affirme-t-il à Libération. A l’époque, les outils, comme les logiciels de vérification de plagiat, pour les étudiants comme les professeurs, n’étaient pas systématiquement utilisés.
Des conséquences politiques incertaines
Le professeur Criqui souligne qu’en 1999, c’était «plutôt habituel de récupérer des passages à gauche et à droite», sans citer les sources. «Nous ne l’avons pas explicitement demandé à nos étudiants, mais ça se faisait plus facilement dans le dernier siècle qu’aujourd’hui.» L’ancien directeur de mémoire confirme la possibilité qu’il y ait des passages plagiés – il n’aurait pas relu son travail depuis vingt-deux ans. En revanche, il ne compte pas entamer des vérifications formelles aujourd’hui, le document datant, selon lui, d’il y a trop longtemps. D’autant plus qu’à l’époque, ce travail universitaire ne comptait pour qu’environ un tiers de la note finale du diplôme, ajoute Etienne Criqui.
Les conséquences politiques pour le Premier ministre luxembourgeois demeurent incertaines. Mercredi après-midi, Xavier Bettel a réagi dans un communiqué. Le Premier ministre admet qu’il «aurait pu, peut-être dû, faire autrement», et qu’il fait «pleinement confiance à l’université de Nancy pour évaluer si l’œuvre en question répond aux critères de l’époque». L’université de Nancy, devenue entretemps l’université de Lorraine, a réagi dès mercredi soir à ces révélations : «L’établissement prend au sérieux les manquements à l’intégrité scientifique et une instruction sera menée sur le contenu de ce mémoire», indique-t-elle dans un communiqué de presse. Si l’établissement confirme l’accusation de plagiat dans ce mémoire de DEA, Xavier Bettel a indiqué être prêt à «naturellement» accepter la décision de l’université.
Pas assez d’agitation
Dans l’Allemagne voisine, les scandales de plagiat ont déjà coûté plusieurs carrières politiques. Le cas le plus célèbre concerne l’ancien ministre de la Défense Karl-Theodor zu Guttenberg (CSU) en 2011, après avoir plagié 94,4 % des pages de sa thèse. De même, l’ex-ministre de l’Education Annette Schavan (CDU) et l’ex-ministre de la Famille Franziska Giffey (SPD) ont dû démissionner pour des cas de plagiat. Le pourcentage des pages plagiées dans leurs cas se situait autour de la moitié, soit considérablement moins que dans le cas du Premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel.
Quelles conséquences tirera le Luxembourg de cette affaire ? Selon Pol Reuter, auteur de l’article révélateur, cette question est difficile en raison du «caractère hybride» de son pays, explique-t-il à Libération. En France, les scandales de plagiat obligent rarement un homme politique à démissionner, en Allemagne presque toujours. Le fait que le Luxembourg soit fortement influencé par ses pays voisins crée un dilemme unique pour le Grand-Duché.
En revanche, Pol Reuter pense que ses révélations ne provoqueront probablement pas assez d’agitation dans la population et dans la politique pour qu’il y ait des conséquences politiques pour le Premier ministre. «La culture scientifique est moins rigoureuse au Luxembourg qu’en Allemagne. De plus, l’opposition politique est en ce moment trop occupée à se déchirer elle-même et sera donc incapable d’exercer assez de pression sur le gouvernement pour revendiquer le départ du Premier ministre.»
Il est donc fortement improbable que le politicien libéral quitte son poste. Sa crédibilité pourrait en souffrir tout de même. Il y a quelques mois, Xavier Bettel racontait dans une interview à l’hebdomadaire allemand Die Zeit : «Je ne supporte pas la malhonnêteté. Si j’ai le sentiment que quelqu’un essaie d’obtenir quelque chose par la ruse, je ne lui pardonne pas.»
Les prochaines élections législatives au Luxembourg se dérouleront dans moins de deux ans. Le dernier sondage sur la popularité des politiciens place Xavier Bettel en troisième position.
Mise à jour : cet article a été modifié jeudi 28 octobre peu après 11h, avec ajout du communiqué publié mercredi soir par l’université de Lorraine.