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Conflit

Plus de 10 millions d’euros ont été versés aux clubs de foot russes par l’UEFA depuis l’invasion de l’Ukraine

L’instance qui régit le football européen a enchaîné les «versements de solidarité» vers la Russie. Ce qui passe mal en Ukraine, où cinq clubs ont été privés d’argent sous prétexte qu’ils étaient localisés dans une «zone d’opérations militaires».
Plus de 3,3 millions d’euros ont été versés à la Fédération russe de football entre 2022 et 2023, 3,3 millions également sur l’année 2023-2024 et 4,2 millions pour la saison 2024-2025. (Jose Manuel Alvarez/Nur. AFP)
publié le 8 août 2025 à 16h13

10,8 millions d’euros. C’est la somme donnée par l’Union des associations européennes de football (UEFA) à des clubs de foot russes en près de trois ans et demi, révèle ce vendredi 8 août une enquête du Guardian. Depuis février 2022, date à laquelle la Russie a lancé son offensive sur l’Ukraine, l’instance qui régit le football européen a enchaîné les «versements de solidarité» pour soutenir les clubs russes et l’équipe nationale du pays, interdits depuis le 28 février 2022 de tournois européens. L’Ukraine n’a pas bénéficié de la même chance.

D’après l’UEFA, ces sommes visent à «préserver l’équilibre compétitif dans les premières divisions européennes, compte tenu des revenus supplémentaires que certains clubs perçoivent grâce à leur participation aux compétitions européennes». Distribués par l’intermédiaire des fédérations nationales aux clubs, plus de 3,3 millions d’euros ont été versés à la Fédération russe de football entre 2022 et 2023, 3,3 millions également sur l’année 2023-2024 et 4,2 millions pour la saison 2024-2025. Et l’Ukraine ? Cinq clubs du pays attaqué par Poutine n’en ont, pour leur part, pas perçu. En cause : leur prétendue localisation dans une «zone d’opérations militaires».

«Exigences totalement floues»

Du côté du pays sous les bombes et drones russes, ça ne passe pas. Le 27 juillet dernier, les cinq dirigeants des clubs ukrainiens en question se sont fendus d’une lettre au président de l’UEFA, Aleksander Ceferin. Dans le courrier adressé à l’avocat slovène, les plaignants dénoncent une «situation extraordinaire» dans laquelle leurs paiements de solidarité pour 2023-2024 et 2024-2025 ont été retenus. Les équipes concernées sont le Chornomorets et le Real Pharma, basées à Odessa (sud), le IFC Metalurg de Zaporijia (est), le FSC Phoenix Marioupol de la ville portuaire occupée du sud ; et le FC Metalist 1925 de Kharkiv (est).

Selon des passages du document révélés par le quotidien, les directeurs ont écrit avoir été «informés que l’obstacle aux paiements ci-dessus [était] constitué par des exigences totalement floues d’une banque en Suisse, qui seraient liées à la situation géographique des clubs de football dans la “zone de guerre” […]. La zone d’opérations militaires, ou plutôt la zone d’agression militaire de la Russie, n’est pas une région spécifique de notre pays, mais l’ensemble de l’Ukraine». Une carte actualisée par le site War Mapper montre notamment que Marioupol et les environs de la région de Zaporijia sont occupés par les troupes russes. Pas Odessa, ni Kharkiv.

«De nombreux supporters ukrainiens fidèles sont allés au front dès les premiers jours des agressions […] et ne pourront malheureusement [plus] jamais soutenir leurs équipes au stade, poursuit la lettre adressée à Aleksander Ceferin. Par conséquent, dans cette période difficile pour notre pays, toute aide financière et tout soutien supplémentaires aideront.» En réaction, un porte-parole de l’UEFA a d’abord déclaré qu’ils fourniraient une déclaration pour expliquer les paiements, mais n’a, par la suite, pas donné de réponse.

Intérêts du Kremlin au sein de l’UEFA ?

Les relations russes au sein de l’UEFA questionnent. Polina Yumasheva, fille d’un ancien conseiller de Poutine et ex-épouse de l’«industriel préféré» du Kremlin, l’oligarque milliardaire Oleg Deripaska, siège au comité de gouvernance et de conformité de l’instance, pointe le quotidien britannique. Par ailleurs, les clubs russes ont certes été interdits de tournois, mais la Russie a pu conserver sa place au sein de la présidence de l’UEFA, sa fédération, l’Union russe de football, n’ayant pas été suspendue.

Côté ukrainien, à l’inverse, le sélectionneur Oleksandr Petrakov a été condamné par l’UEFA à une amende après avoir juré en septembre 2022 dans une interview au Guardian de prendre les armes contre la Russie qui venait d’envahir son pays. Deux poids, deux mesures ?