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Mieux vaut tard que jamais

Plus de vingt ans après, des centaines de postiers britanniques en voie de réhabilitation

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Accusés à tort de vols, en raison d’une erreur informatique, des centaines de postiers ont été condamnés au début des années 2000, certains se sont suicidés, d’autres ont vu leur vie et leur réputation ruinées avant qu’un téléfilm récent remette le drame en lumière et ouvre la voie à des dédommagements.
Dans de nombreux villages anglais, «être postier, c’était être un des piliers de la communauté», rappelle Christopher Trousdale, condamné à tort pour avoir trafiqué les comptes avant d'être, des années plus tard, officiellement blanchi. (Tennessee Witney/Getty Images/iStockphoto)
par Juliette Démas, correspondante à Londres
publié le 14 janvier 2024 à 8h18

Pour comprendre le scandale, il faut remonter au tout début du siècle. A l’approche du millenium, le Royaume-Uni se modernise. Le gouvernement britannique passe un accord avec une branche du groupe japonais Fujitsu, qu’il charge de développer un logiciel de comptabilité pour certains bureaux de poste. Les négociations sont tendues, mais le projet finit par aboutir. Il s’appellera Horizon.

Christopher Trousdale n’a pas 20 ans quand il interrompt ses études de design et de marketing pour reprendre le bureau de poste de Lealholm, un petit village du nord de l’Angleterre. Son grand-père et son arrière-grand-mère y ont travaillé. Il est alors fier de reprendre leur flambeau, et d’éviter la fermeture de la branche. «Etre postier, c’était être un des piliers de la communauté : on était à la fois psy, médecin et spécialiste informatique, se rappelle-t-il. Aujourd’hui, tout se fait en ligne, mais à cette époque, les gens venaient récupérer leur retraite, payer leur taxe d’habitation ou leur redevance audiovisuelle, faire leur permis de chasse, régler leurs factures… Ce n’est pas un emploi qu’on donne à n’importe qui, il fallait avoir été approuvé ! C’est ce qui rend cette histoire encore plus bizarre.»

Les premiers ennuis arrivent vite : Christopher trouve des erreurs dans les paiements, les comptes ne sont pas justes. En neuf mois, il appelle 181 fois le numéro de dépannage informatique. Il passe des soirées entières à revoir les comptes, à relire les reçus pour t