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Royaume-Uni

Pollution, dividendes douteux : le géant britannique de l’eau Thames Water sous pression

La principale compagnie de distribution du pays s’est vu infliger une amende de près de 150 millions d’euros par le régulateur de l’eau.
La station d'épuration de Beddington de Thames Water, au sud de Londres, en mars. (Ben Stansall /AFP)
par Aliénor Bonjour, Libération
publié le 29 mai 2025 à 8h00

Déversements abusifs des eaux usées dans les rivières, manque d’investissement dans les infrastructures, accumulation de dettes, et augmentation des factures… Le régulateur britannique de l’eau a décidé de sévir. Dans le cadre d’une enquête, l’Ofwat a examiné l’exploitation, la gestion et l’entretien des stations d’épuration et des réseaux d’égouts de toutes les entreprises de traitement des eaux usées. Le résultat est sans appel : Thames Water, qui dessert 16 millions de clients à Londres et dans le Sud-Est du pays – soit presque 25 % de la population britannique – est une très mauvaise élève.

C’est l’une des plus grandes enquêtes jamais menées par l’Ofwat. Sans surprise, elle révèle que Thames Water néglige depuis de nombreuses années ses activités de rénovation, de construction et d’entretien de ses infrastructures. Cela a inévitablement conduit à la perte, chaque jour, d’une quantité non négligeable d’eau potable à cause de fuites, ou encore de déversements excessifs de ses eaux usées non traitées dans les rivières.

81 enquêtes

L’Ofwat a donc décidé d’infliger une amende record de 123 millions de livres sterling (plus de 146 millions d’euros) pour ces violations environnementales, ainsi que pour des infractions liées à la distribution de dividendes à ses actionnaires, révélées à la suite d’une autre enquête. En d’autres termes, la compagnie a versé des intérêts élevés aux actionnaires et des primes injustifiées à ses dirigeants, au détriment d’investissements cruciaux pour moderniser ses infrastructures et s’adapter au changement climatique. Dans le même temps, elle a augmenté les factures d’eau de ses 16 millions de clients de 31 % en moyenne en avril 2025.

En plus de cette amende, l’Ofwat va exercer à l’avenir des contrôles afin de s’assurer que les prix pratiqués ne lèsent pas les clients. Le régulateur de distribution d’eau a précisé que ces amendes seront «payées par la compagnie et ses investisseurs», et que ses sanctions n’affecteront pas le prix payé par les clients. David Black, le directeur général de l’Ofwat, a justifié cette importante sanction financière en déclarant que l’entreprise n’a pas «proposé de mesures acceptables» pour amoindrir l’impact de son activité sur l’environnement.

Cette décision a été annoncée alors que le gouvernement a lancé une offensive à l’encontre des compagnies de distribution d’eau. Steve Reed, le secrétaire d’Etat à l’Environnement, a annoncé qu’un «nombre record de 81 enquêtes criminelles ont été ouvertes à l’encontre des compagnies de distribution d’eau.» Il se pourrait donc que Thames Water soit la première, mais pas la dernière, à être lourdement sanctionnée dans les prochaines années.

Mesures drastiques

Thames Water est en train de couler. Il y a quelques mois, la société avait demandé à la Haute Cour de justice d’approuver un financement d’urgence afin de restructurer ses dettes et attirer des investisseurs. Elle a ainsi obtenu une dette supplémentaire de 3 milliards de livres (3,5 milliards d’euros) et évité de justesse d’être placée sous «régime d’administration spéciale», autrement dit, d’être temporairement nationalisée.

Les compagnies d’eaux ont été privatisées en 1989, sous le gouvernement conservateur de Margaret Thatcher. À cette époque, l’Europe faisait pression sur le Royaume-Uni pour qu’il améliore la qualité de son eau. La Dame de fer a donc adopté des mesures drastiques en supprimant la dette de cinq milliards de livres du secteur, en espérant que les investissements privés contribueraient à améliorer le système. Il semblerait que cela n’ait pas fonctionné.