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Justice

Pologne : Bruxelles «préoccupé» par une commission d’enquête controversée sur «l’influence russe»

Cet organe pourra décider si les responsables politiques du pays ont cédé ou non aux sirènes de Moscou dans les années 2007 à 2022, et les condamner sans le contrôle d’un juge. La Commission européenne menace de sanctions.

Le président polonais Andrzej Duda, le 24 mai. (Peter Cziborra/REUTERS)
Publié le 30/05/2023 à 12h25

L’indépendance judiciaire de nouveau mise à mal en Pologne. Le commissaire européen à la Justice Didier Reynders a dénoncé ce mardi 30 mai la création dans le pays d’une commission d’enquête sur «l’influence russe» capable de condamner des responsables politiques sans le contrôle d’un juge. Le président polonais Andrzej Duda a donné lundi son feu vert à la création de cet organe qualifié d’«anticonstitutionnel» et «stalinien» par l’opposition et nombre de juristes, à l’approche des élections législatives de l’automne.

Composée de neuf membres choisis par une chambre basse dominée par le camp nationaliste populiste, cette commission d’enquête pourra décider si les responsables politiques du pays ont succombé ou non à l’influence russe dans les années 2007 à 2022, et les condamner, sans contrôle effectif de la justice, alertent les observateurs. La personne jugée coupable pourra être interdite d’occuper des postes publics liés à l’accès aux finances publiques et aux informations classifiées pendant dix ans.

«Nous sommes particulièrement préoccupés par l’adoption d’une nouvelle loi en Pologne sur un comité spécial qui permettrait […] de priver de leur droit d’être titulaire d’une fonction élective des citoyens sans qu’il y ait de recours en justice possible», a déclaré le commissaire belge Didier Reynders en arrivant à une réunion des ministres des Affaires européennes à Bruxelles. «On peut se poser la question de savoir si on respecte encore les règles d’accès à la justice, les règles d’accès à un juge indépendant lorsqu’on fait l’objet d’une décision administrative», a-t-il poursuivi.

La menace d’une procédure d’infraction

La Commission européenne «n’hésitera pas à prendre des initiatives si la loi est effectivement en vigueur et pose ce type de problème», a prévenu Reynders, faisant ainsi planer la menace d’une nouvelle procédure d’infraction contre la Pologne.

A Washington, le département d’Etat s’est également dit «préoccupé» par l’adoption de cette nouvelle législation «qui pourrait être utilisée de manière abusive pour interférer avec les élections libres et équitables en Pologne».

La Pologne a déjà fait l’objet de plusieurs condamnations par la justice européenne pour ses réformes accusées de saper l’indépendance judiciaire, qui lui valent notamment une astreinte journalière de 500 000 euros. La réunion du Conseil affaires générales ce mardi à Bruxelles est notamment consacrée à une audition des ministres hongrois et polonais par leurs pairs à propos des manquements à l’Etat de droit dans ces deux pays.