«La réforme de la justice polonaise de décembre 2019 enfreint le droit de l’Union» européenne, notamment dans son volet relatif au système disciplinaire des juges et de leur indépendance, a indiqué ce lundi 5 juin la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans son arrêt salué aussitôt par la Commission européenne qui l’avait saisie de cette réforme. Cette réforme est, depuis plusieurs années, l’objet d’un bras de fer entre Varsovie et Bruxelles.
«C’est un jour important pour la restauration d’une justice indépendante en Pologne», a commenté le commissaire européen à la Justice Didier Reynders, indiquant que la loi polonaise portait «atteinte à l’indépendance des juges». «Après la décision d’aujourd’hui, la loi sur le pouvoir judiciaire devra être adaptée en conséquence», a-t-il ajouté, soulignant que la décision de la CJUE réglait «définitivement la question» et a exhorté les autorités polonaises «à se conformer pleinement à l’arrêt».
De son côté, le ministre polonais de la Justice a battu en brèche une décision rendue par un «tribunal corrompu». «La principale Cour de l’UE est corrompue» et la décision condamnant la Pologne pour sa réforme controversée de la justice «n’a pas été écrite par des juges mais par des hommes politiques» en «violation des traités», a vitupéré Zbigniew Ziobro, représentant de Pologne solidaire, un parti ouvertement anti-européen, allié du PiS au pouvoir.
Nouveau projet de loi
Au mois d’août 2022, le gouvernement a accepté de destituer la chambre disciplinaire de la Cour suprême pour la remplacer par une chambre de responsabilité professionnelle. Malgré le changement de nom, ses prérogatives restent les mêmes : sanctionner les juges. Les magistrats qui y siègent sont en majorité des «néojuges», nommés par le Conseil de magistrature acquis au PiS. Bruxelles n’a pas jugé la mesure suffisante.
Le 13 janvier, le PiS a fait un pas de plus, en votant pour un nouveau projet de loi qui dépouillerait de ses fonctions la chambre de responsabilité professionnelle, après moins de six mois d’existence, pour la remplacer par une nouvelle cour placée sous l’autorité de la Cour suprême administrative. A peine deux jours plus tard, treize ONG ont sollicité en urgence l’opinion du Conseil de l’Europe, estimant que cette nouvelle proposition de loi contrevient au principe de séparation des pouvoirs. La coalition d’associations pointe aussi un problème qui gangrène désormais la quasi-totalité du système judiciaire polonais : un tiers des magistrats de la Cour suprême administrative sont des «néojuges», dont la nomination est entachée d’irrégularités aux yeux de la justice européenne, et qui sont, pour certains, soupçonnés d’être des affidés du PiS.
A lire aussi
En 2021, la CJUE avait condamné la Pologne à des amendes d’un million d’euros par jour pour faire cesser les activités de la chambre disciplinaire de la Cour suprême, institution clé d’une réforme controversée du système judiciaire polonais. Le montant de ces amendes a dépassé à ce jour les 550 millions d’euros. La Pologne a toujours refusé de payer ces amendes mais Bruxelles en a prélevé une partie sur les fonds destinés à la Pologne. L’arrêt de la Cour européenne lève la sanction financière à compter du 5 juin mais la Pologne doit toujours régler les sommes dues pour le passé.