L’annonce était prévisible, mais sonne comme un retour en arrière. Dans un communiqué de presse envoyé samedi 27 avril à l’agence de presse portugaise Lusa, le gouvernement de coalition de centre droit portugais a déclaré qu’il rejetait toute procédure de réparation pour les crimes de la colonisation. Cette position est la même que celle des gouvernements précédents, soit celle «d’approfondir les relations mutuelles, le respect de la vérité historique et une coopération de plus en plus intense et étroite, basée sur la réconciliation des peuples frères» avec les pays colonisés. Mais sans payer.
Il s’agit d’une réponse sans équivoque aux propos prononcés six jours auparavant par le chef de l’Etat, Marcelo Rebelo de Sousa. Il avait évoqué son souhait de «payer les coûts» des crimes commis par son pays dans le cadre de la colonisation.
Lisbonne pas encore prête à assumer
Samedi, le président est resté droit dans ses bottes et dans ses déclarations. «Nous ne pouvons pas mettre cela sous le tapis ou dans un tiroir. Nous avons l’obligation de piloter, de diriger ce processus [de réparations].» Il a aussi affirmé que le Portugal pourrait utiliser plusieurs méthodes pour payer les réparations, comme l’annulation de la dette des anciennes colonies et le financement de plusieurs projets.
Une position qu’une partie de la classe politique lusophone n’est pas encore prête à accepter. Le souhait de Marcelo Rebelo de Sousa d’endosser enfin la responsabilité des atrocités commises par l’ancienne puissance coloniale ont suscité de vives réactions par les partis de droite ces derniers jours, notamment au sein du CDS-Parti populaire (conservateur, dans la coalition gouvernementale) ou du parti d’extrême droite Chega.
Plus longue implication historique dans la traite négrière
Si le rejet du gouvernement ne peut être considéré comme un retournement de veste, c’est surtout un pied de nez aux multiples appels lancés par les organisations non gouvernementales au Portugal et plus largement à toutes les anciennes puissances coloniales.
Le Portugal est le pays européen qui détient le triste record de la plus longue implication historique dans la traite négrière. Du XVe au XIXe siècle, au moins 12,5 millions de personnes ont été kidnappées et transportées de force à travers l’Atlantique par des navires portugais et vendues comme esclaves, principalement sur le continent américain. L’Angola, le Mozambique, le Brésil, le Cap-Vert, Sao Tomé-et-Principe, le Timor oriental et certains territoires d’Asie sont restés longtemps sous domination portugaise. La décolonisation des pays africains a eu lieu quelques mois après le début de la «Révolution des œillets» au Portugal, le 25 avril 1974, qui a renversé la plus longue dictature fasciste d’Europe et qui a fêté son cinquantenaire jeudi. Le chemin est donc encore long pour voir les Etats impliqués dans la traite transatlantique des esclaves assumer réellement leur responsabilité.