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Libération
Réparation

Portugal : le Président veut «payer» pour les crimes de la colonisation

Alors que plusieurs organisations appellent les anciens empires coloniaux à assumer leur responsabilité, le chef de l’Etat portugais, Marcelo Rebelo de Sousa, a annoncé mardi vouloir «payer» pour les crimes commis par son pays.
Le président du Portugal, Marcelo Rebelo de Sousa, à Lisbonne, le 2 avril. (Pedro Nunes/Reuters)
publié le 25 avril 2024 à 18h56

La pression monte sur les anciens pays colonisateurs. Et ceux-ci sont bien obligés de reconnaître les torts de leurs ancêtres. Le chef de l’Etat portugais, Marcelo Rebelo de Sousa, a franchi une nouvelle étape, mardi 23 avril, dans la rédemption de son pays. Lors d’une discussion informelle avec des journalistes étrangers, il a annoncé vouloir «payer les coûts» des crimes commis dans le passé colonial portugais.

Le 18 avril, à Genève, lors du Forum permanent des Nations unies pour les personnes d’ascendance africaine, le Portugal ainsi que toutes les anciennes puissances coloniales étaient invités par vingt organisations gouvernementales à indemniser les pays qu’ils ont occupés. Elles avaient notamment appelé la France à rembourser Haïti des milliards d’euros que l’île a versés pour son indépendance en 1804. Les organisations poussaient aussi pour qu’un tribunal spécial soit créé sur cette question.

«Il s’agit d’assumer la responsabilité»

«Il ne s’agit pas seulement de s’excuser pour ce que nous avons fait, disait déjà le président portugais il y a tout juste un an, le 25 avril 2023, parce que s’excuser est parfois la chose la plus facile à faire, vous vous excusez, vous tournez le dos, et le travail est fait. Non, il s’agit d’assumer la responsabilité de ce que nous avons fait, en bien ou en mal, dans le passé.» Pour réparer, ou du moins essayer, les atrocités commis par de nombreux responsables portugais qui n’ont jamais été punis, Marcelo Rebelo de Sousa souhaite donc assumer et rembourser les crimes du passé. Mais cette nouvelle position du chef de l’Etat ne fait pas l’unanimité au sein du nouveau gouvernement de droite, formé à l’issue des élections le 29 mars. Selon une source gouvernementale mentionnée par l’hebdomadaire portugais Expresso ce sujet est «toxique» et «inopportun».

Cela reste l’opposition d’extrême droite qui a été la plus virulente. Le leader du parti Chega («Ça suffit»), André Ventura, a accusé Marcelo Rebelo de Sousa d’avoir «trahi les Portugais», avant d’ajouter qu’il est «fier de l’histoire de ce pays». Ces tensions interviennent alors que le Portugal fête ce jeudi le cinquantenaire de la révolution des Œillets, un coup d’Etat sans effusion de sang mené par de jeunes officiers pour mettre fin à quarante-huit ans de dictature et treize années de guerres coloniales. Le président portugais retrouvera dans la soirée ses homologues des pays africains devenus indépendants après l’avènement de la démocratie, tels que l’Angola, le Mozambique, la Guinée-Bissau, le Cap-Vert et Sao-Tomé-et-Principe. Durant plus de cinq cents ans de colonisation portugaise, au moins 12,5 millions de personnes ont été kidnappées et emmenés hors de leurs territoires d’origine vers des lieux éloignés, notamment sur le continent américain, où ils ont été réduits à l’esclavage.

150 milliards d’euros de dette à Haïti

Le Portugal, au travers de son Président, est le seul pays à avoir passé un tel cap, ou du moins soumis l’idée. Concernant Haïti, le ministère français des Affaires étrangères n’a jamais répondu à la demande des ONG de rembourser des milliards de dollars à l’île, une somme estimée à plus de 150 milliards par plusieurs partisans de cette dette coloniale. Pour de nombreux Haïtiens, qui vivent actuellement une crise sécuritaire inédite, la France est en partie responsable des maux qui touchent l’île depuis deux siècles. De l’argent qui pourrait aider dans la reconstruction d’un pays qui tombe en lambeaux, sous la coupe des gangs, et d’un Etat défaillant.