«On doit leur permettre [aux Ukrainiens, ndlr] de neutraliser les sites militaires d’où sont tirés les missiles […] les sites militaires depuis lesquels l’Ukraine est agressée», a lancé Emmanuel Macron mardi 28 mai au soir, lors d’une conférence de presse à l’occasion d’un conseil des ministres franco-allemand au château de Meseberg, près de Berlin. Même si le président français a ajouté immédiatement : «Mais on ne doit pas permettre de toucher d’autres cibles en Russie et évidemment des capacités civiles», la déclaration n’est pas passée inaperçue.
A commencer par Vladimir Poutine, qui a menacé de «graves conséquences» en cas d’usage d’armes occidentales contre le territoire russe. «En Europe, en particulier dans les petits pays, ils doivent réfléchir à ce avec quoi ils jouent. Ils doivent se souvenir qu’ils sont bien souvent des Etats ayant un petit territoire et une population très dense», a grondé le président russe au cours d’un point presse à Tachkent, en Ouzbékistan. «Ce facteur est une chose sérieuse qu’ils doivent avoir à l’esprit avant de parler de frapper en profondeur le territoire russe», a-t-il poursuivi. «Cette escalade permanente peut avoir de graves conséquences».
Reportage
L’Ukraine réclame de pouvoir utiliser les armes livrées par les Occidentaux contre des cibles militaires sur le sol russe mais le sujet divise ses soutiens. Les plus réticentes jusqu’ici - Rome et Berlin notamment - brandissent le risque d’escalade, d’extension du conflit, avec en filigrane le risque de l’utilisation de l’arme nucléaire par le président russe Vladimir Poutine. Et les Etats-Unis ont redit leur opposition à l’utilisation d’armes américaines pour frapper le territoire russe.
«Ce qui a changé c’est que la Russie a un peu adapté ses pratiques»
La position française est différente. «Nous ne voulons pas d’escalade», a répété Emmanuel Macron, tout en soulignant que «ce qui a changé c’est que la Russie a un peu adapté ses pratiques» et attaque l’Ukraine depuis des bases qui sont en Russie. «Si on leur dit [aux Ukrainiens, ndlr] vous n’avez pas le droit d’atteindre le point d’où sont tirés les missiles, en fait, on leur dit, on vous livre des armes mais vous ne pouvez pas vous défendre», a ajouté le chef de l’Etat français.
Le chancelier allemand, Olaf Scholz, est lui resté plus évasif, sachant que l’Allemagne refuse de livrer des missiles de longue portée (plus de 500 km) à l’Ukraine, à la différence de Paris, Londres et Washington. «L’Ukraine a toutes les possibilités de le faire, en vertu du droit international», a-t-il déclaré. «Il faut le dire clairement, elle est attaquée et peut se défendre».
Emmanuel Macron a par ailleurs refusé de «commenter des rumeurs» sur l’envoi d’instructeurs français en Ukraine, annoncé la veille par Kyiv, qui est ensuite revenu sur cette annonce. Vladimir Poutine a affirmé que des instructeurs militaires occidentaux étaient déjà déployés en Ukraine, en prétendant être des mercenaires. Le président français a suscité le désaccord de certains partenaires européens, dont l’Allemagne, en n’excluant pas l’envoi de militaires français sur le sol ukrainien.