Comme craint, attendu, ou espéré, selon le côté des barricades où l’on se trouve, les négociations à Riyad sur l’avenir de l’Ukraine n’auront, une nouvelle fois, pas accouché de grand-chose. Lundi, en début de soirée, après douze heures discussions, les agences russes ont annoncé que Moscou et Washington publieront ce mardi un communiqué commun.
Volodymyr Zelensky avait prévenu que les réunions seraient «techniques», Washington avait fait monter la mousse en annonçant que «jamais la paix n’a été aussi proche». Les Russes, eux, ont répété ce week-end que la conversation sera difficile. Les pourparlers à Riyad ont commencé dimanche entre Ukrainiens et Américains, et se sont poursuivis lundi, entre Américains et Russes. La délégation russe était menée par le sénateur Grigory Karassin, président de la commission aux affaires étrangères de la chambre haute du Parlement russe, et le conseiller du directeur du Service fédéral de sécurité (FSB), Sergueï Besseda. Coté américain, Andrew Peek, directeur sénior au Conseil de sécurité nationale (NSC) et Michael Anton, directeur de la planification politique au Département d’Etat. Enfin, les Ukrainiens, qui sont restés à Riyad lundi pour attendre le résultat de la bilatérale américano-russe, étaient chapeautés par Roustem Oumerov, le ministre de la Défense, et l’adjoint du chef de cabinet de la présidence, Pavlo Palissa.
L’arrêt des attaques contre les ports ukrainiens
Un cessez-le-feu rapide sous l’égide des Etats-Unis reste improbable pour de nombreuses raisons. Vladimir Poutine continue de parler de «causes profondes» du conflit qu’il faut adresser, c’est-à-dire le désir de souveraineté de Kyiv et ses velléités atlantiste et européenne, et à exiger que le partage de renseignements et l’aide militaire occidentale à l’Ukraine cessent, comme préalables à une trêve. Volodymyr Zelensky a, de son côté, inscrit l’adhésion à l’Otan dans la constitution ukrainienne, exige des garanties de sécurité tangibles, et appelle quotidiennement ses alliés à ne pas lésiner sur leur soutien.
Selon le conseiller du chef du bureau présidentiel ukrainien, les discussions entre les délégations ukrainienne et américaine, dimanche, ont porté, entre autres, sur la sécurité de la navigation et l’arrêt des attaques contre les ports ukrainiens. «Il a été question d’un cessez-le-feu mutuel : nous n’attaquons pas leurs installations en mer, y compris les installations fluviales, et ils n’attaquent pas nos installations et nos ports», a déclaré Serhiy Leshchenko à la télévision ukrainienne.
Il s’agit de rétablir un accord céréalier qui avait permis à l’Ukraine, de juillet 2022 à juillet 2023, d’exporter ses céréales, vitales pour l’alimentation mondiale, malgré la présence de la flotte russe dans la zone. La Russie s’en était retirée, accusant les Occidentaux de ne pas respecter leurs engagements censés assouplir les sanctions sur les exportations russes de produits agricoles et d’engrais. Le rétablissement de l’accord permettrait à la Russie d’exporter des produits agricoles et des engrais via la mer Noire, échappant ainsi aux sanctions imposées par les pays occidentaux.
«La Russie devrait cesser de bombarder nos villes»
«Aujourd’hui, à l’ordre du jour, il y a l’initiative de la mer Noire et tous les aspects liés au renouvellement de cette initiative. C’était la proposition du président Trump et le président Poutine l’a acceptée. C’est avec ce mandat que notre délégation s’est rendue à Riyad», аvait déclaré aux journalistes le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Il a également précisé que le moratoire russe sur les frappes contre les infrastructures énergétiques ukrainiennes restait en vigueur, malgré les rapports faisant état d’attaques ukrainiennes continues contre les infrastructures énergétiques russes.
Pendant ce temps, une frappe russe sur la ville ukrainienne de Soumy faisait 88 blessés, dont 17 enfants. Selon les autorités, des immeubles résidentiels et des infrastructures ont été touchés, et une école endommagée. «Les enfants se trouvaient dans une structure de protection, ils sont maintenant évacués, tout le monde est en vie», a déclaré le chef de l’administration militaire de Soumy, Volodymyr Artyukh. «Au lieu de faire des déclarations creuses sur la paix, la Russie devrait cesser de bombarder nos villes et mettre fin à la guerre contre les civils. Toute diplomatie avec Moscou devrait être soutenue par une puissance de feu, des sanctions et des pressions», a réagi le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Andriy Sybiha.
«Moscou n’est pas en mesure d’avancer rapidement sur le champ de bataille»
«Pour le Kremlin, il est impératif de faire traîner les négociations de paix le plus longtemps possible afin de s’emparer du plus grand nombre possible de territoires ukrainiens et de prendre l’ascendant sur Kyiv dans ses relations avec les Etats-Unis, car Moscou n’est pas en mesure d’avancer rapidement sur le champ de bataille», écrit le média indépendant The Moscow Times, citant quatre sources proches du dossier dans le gouvernement russe. Pour le politologue Fedor Loukianov, rédacteur en chef de la revue Russia in Global Affairs, proche du Kremlin, «tout se déroule plutôt selon le scénario russe. Moscou n’a pas accueilli favorablement l’idée d’un cessez-le-feu immédiat, estimant qu’il était nécessaire d’en définir soigneusement les conditions, afin de préparer les grandes lignes d’une solution à long terme.»