Les deux victimes de l’attaque terroriste de Bruxelles étaient suédoises, et c’est probablement ce qui leur a valu la mort. Elles portaient le maillot bleu et jaune de l’équipe nationale, qui jouait lundi soir sa qualification à l’Euro 2024 contre la Belgique, quand elles ont été touchées par les balles d’Abdesalem Lassoued. Dans son message, le terroriste a revendiqué avoir «tué trois Suédois», dont l’un a finalement survécu à ses blessures. Le porte-parole du bureau du procureur fédéral belge a estimé que cette mention de «la nationalité des victimes» était «le motif probable de l’acte».
Pourquoi s’en prendre à des Suédois ? Selon le chercheur Hugo Kaaman, le tueur suivait sur les réseaux sociaux des comptes qui répandent des théories conspirationnistes sur «l’enlèvement d’enfants musulmans» par les services sociaux suédois. Un autre motif semble difficile à ignorer : depuis le début de l’année, de multiples autodafés du Coran ont eu lieu en Suède et ont fait du pays une cible du terrorisme islamisme.
Cible désignée d’Al-Qaeda
En août, après que le livre sacré de l’islam a été brûlé pour la troisième fois en trois mois par un homme ayant reçu le feu vert des autorités, Al-Qaeda a appelé à se venger des Suédois et des Danois, qui ont également autorisé plusieurs autodafés. «Le Danemark et la Suède sont deux petits pays méprisables qui ne représentent rien de plus que des petites taches sur la carte du monde. Les musulmans de Suède, du Danemark et de toute l’Europe ont le devoir de se venger», indique le texte publié cet été par l’organisation terroriste.
A la suite de ces menaces, le niveau d’alerte national a été relevé à quatre (sur cinq). «Nous sommes passés du statut de cible légitime à celui de cible prioritaire pour l’islamisme violent», expliquait alors la Säpo, le service de la sûreté de l’Etat suédois. Ce mardi, le niveau d’alerte n’a pas été relevé mais la Säpo a fait part de ses préoccupations : «La menace d’attentats s’est accrue. Cette situation est grave et [nous estimons] qu’elle va perdurer.» Tore Refslund Hamming, chercheur au Centre international pour l’étude de la radicalisation, va dans le même sens : «Cette attaque élève le niveau de menace, en montrant que des individus isolés en Europe sont prêts à agir pour venger les autodafés du Coran. Avec les événements actuels à Gaza, cela ne risque que d’empirer.»
Débat sur les autodafés du Coran
L’attentat a immédiatement relancé le débat sur la réaction du gouvernement suédois aux autodafés. Avec le Danemark, la Suède possède l’une des législations les plus souples au monde en matière de liberté d’expression et la notion de blasphème a progressivement disparu de ses textes juridiques. A ce titre, l’interdiction de brûler un livre sacré en public peut uniquement être émise par la police en cas de menace pour la sécurité. La police de Stockholm a ainsi refusé en février dernier deux demandes de manifestations qui prévoyaient de brûler un Coran, en invoquant les évaluations des services de sécurité selon lesquelles de tels actes pourraient accroître le risque d’attaques terroristes contre la Suède. La décision a été annulée peu après par la justice.
Dans ce contexte explosif, le Premier ministre conservateur Ulf Kristersson, qui gouverne avec le soutien de l’extrême droite, s’est montré assez passif. «D’un point de vue sécuritaire, la Suède aurait dû être plus ferme pour interdire ces provocations publiques qui peuvent être définies comme des actes de haine», juge Tore Refslund Hamming. Le Danemark a utilisé ce motif en août dernier pour rendre illégaux les autodafés. Ce mardi, l’ancienne Première ministre sociale-démocrate suédoise Magdalena Andersson a estimé que la passivité du gouvernement suédois, calculée pour ne pas froisser l’extrême droite, mettait en danger la sécurité de ses concitoyens à l’étranger. Son parti a proposé récemment d’ouvrir un processus juridique pour déterminer si le fait de brûler des textes religieux pouvait être considéré comme un crime de haine. Bien que 53 % des Suédois soient en faveur de l’interdiction des autodafés, le gouvernement a décliné l’offre.