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Libération
Fierté régionale

Pourquoi Madrid a demandé à l’UE de reconnaître le catalan, le basque et le galicien comme des langues officielles

Le Premier ministre socialiste sortant Pedro Sánchez a demandé le 17 août aux institutions européennes de reconnaître le galicien, le catalan et le basque comme langues officielles en échange du soutien du parti indépendantiste catalan décisif pour son maintien au pouvoir.
Le Premier ministre socialiste sortant, Pedro Sánchez, lors d'une conférence de presse à Madrid, le 22 août. (Pierre-Philippe Marcou /AFP)
par Raphaël Ouaiss
publié le 22 août 2023 à 18h15

Au grand dam de la droite et de l’extrême droite espagnole qui crient d’une même voix à une atteinte à l’unité nationale, Pedro Sánchez, Premier ministre socialiste sortant a demandé le 17 août la reconnaissance du galicien, du catalan et du basque comme langues officielles par les institutions européennes et a promis d’utiliser la position de présidence du conseil de l’UE par l’Espagne jusqu’à la fin de l’année pour obtenir gain de cause.

Aussitôt dit, aussitôt fait, du moins sur le papier : le candidat socialiste à sa propre succession à la tête du gouvernement espagnol a besoin du soutien du parti indépendantiste catalan pour être réélu lors d’un vote d’investiture qui devrait avoir lieu d’ici début septembre. La présidence espagnole du conseil de l’UE depuis le 1er juillet représente donc pour lui l’occasion de montrer qu’il entend répondre aux exigences des séparatistes catalans en demandant la reconnaissance des langues des régions de la péninsule ibérique aux velléités indépendantistes. Si cette demande aboutissait, cela permettrait aux citoyens de ces régions d’avoir accès aux documents et aux administrations de l’UE dans leur langue et la présence de traducteurs et d’interprètes au sein des institutions communautaires.

Une condition à la victoire socialiste

Au lendemain d’un désaveu électoral du Parti socialiste ouvrier espagnol lors des élections municipales et régionales qui ont enregistré une poussée de la droite et de l’extrême droite, le chef de l’Etat socialiste Pedro Sánchez tente le tout pour le tout, et annonce le 29 mai convoquer les électeurs pour des élections législatives anticipées. Initialement prévues à la fin de l’année, elles ont été avancées au 23 juillet. Pari risqué, mais pari (en bonne voie d’être) gagné : les socialistes ont remporté le 17 août de justesse la présidence du parlement. A deux voix près et grâce à l’appui des sept élus du parti indépendantiste catalan de Carles Puigdemont. Junts per Catalunya (Ensemble pour la Catalogne) a en effet accepté de soutenir la candidate socialiste Francina Armengol à la présidence du congrès des députés, en échange de trois revendications principales. Parmi elles, celle de demander la reconnaissance aux institutions européennes du catalan, du basque ainsi que du galicien comme langues officielles. Les deux autres sont la tenue d’un référendum d’autodétermination de la Catalogne d’une part et une amnistie pour toutes les personnes poursuivies après la tentative échouée de sécession d’octobre 2017.

Une mesure avant tout symbolique

Si cette mesure permet de faire remonter certaines intentions indépendantistes jusqu’à Bruxelles, il est néanmoins peu probable que cette initiative aboutisse. En cause d’abord, le mode de scrutin propre au conseil de l’UE qui requiert un vote à l’unanimité. Or, d’autres Etats membres concernés eux aussi par des revendications autonomistes voire séparatistes et linguistiques, à l’instar de la France avec la Corse, devraient ne pas la voter pour éviter que cela ne donne du grain à moudre à leur propre mouvement indépendantiste. Ensuite, si cette réforme parvenait à être adoptée par les Etats membres, il lui faudrait plusieurs années pour devenir effective, à l’instar de l’Irlande qui a dû attendre quinze années à partir de 2007 – année de l’obtention du statut de langue officielle de l’UE – pour obtenir une traduction en gaélique équivalente aux autres dans les institutions communautaires. Membre de l’UE depuis 1973, l’Irlande s’est par ailleurs contentée jusqu’en 2005 d’une traduction irlandaise uniquement pour les traités, alors même que le gaélique est la première langue officielle du pays avant l’anglais. Cette demande formulée par Sánchez auprès de la communauté européenne a surtout valeur de symbole, et ne répond qu’à une urgence de politique intérieure.