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Qui est Boris Nadejdine, seul opposant antiguerre à s’être présenté à la présidentielle russe ?

L’homme politique de 60 ans a vu sa candidature retoquée ce jeudi 8 février, alors que Vladimir Poutine devrait rempiler pour un nouveau mandat le mois prochain, sans opposition aucune.
Boris Nadejdine à Moscou ce jeudi 8 février, après que la Commission électorale centrale lui a interdit de se présenter à l'élection présidentielle. (Maxim Shemetov/Reuters)
publié le 8 février 2024 à 15h28

Son nom renvoie au mot «espoir» en russe. Boris Nadejdine, seul opposant frontal à Vladimir Poutine, a annoncé ce jeudi 8 février que sa candidature à la présidentielle de mars avait été rejetée par la commission électorale. Pas de quoi entamer la gagne de ce vétéran discret de la vie politique, né en 1963 en Ouzbékistan soviétique : «Participer à l’élection présidentielle de 2024 est la décision politique la plus importante de ma vie. Je ne reviens pas sur mes intentions. Je ferai appel de la décision de la commission électorale auprès de la Cour suprême», a-t-il déclaré sur Telegram, quoique ses chances de succès auprès de cette institution fidèle au Kremlin soient quasi nulles.

La commission électorale, qui n’a pas encore officialisé cette décision, lui reproche de ne pas avoir récolté les 100 000 signatures valides d’électeurs le soutenant pour pouvoir se présenter. De quoi doucher une fois de plus les maigres espoirs des Russes opposés au régime du Kremlin. Dans un pays où critiquer le pouvoir est passible de prison ferme, la candidature de Boris Nadejdine a le mérite d’offrir une alternative, aussi peu crédible soit-elle.

Partisan de la paix en Ukraine

L’opposant de 60 ans, homme robuste, petite barbe grise, cheveux ras, a surpris en parvenant à mobiliser des foules de Russes aspirant, tout comme lui, à la fin de la guerre en Ukraine – un «cauchemar», selon lui. «Ma candidature donne aux gens une occasion unique de protester légalement contre la politique actuelle», avait-il affirmé dans un entretien à l’AFP fin janvier. Ce fils d’une professeure de musique d’origine juive et d’un physicien russe a des promesses électorales claires : mettre fin aux combats, arrêter la «militarisation» de la Russie et libérer «tous les prisonniers politiques» comme le fer de lance de l’opposition, Alexeï Navalny, condamné à dix-neuf ans de prison pour «extrémisme».

Dans ce même entretien, Boris Nadejdine avait également dénoncé le quart de siècle de dérive autoritaire de Vladimir Poutine – chose rare en Russie aujourd’hui. D’autres avant lui sont allés en prison pour des propos similaires. Alors pourquoi l’opposant reste-t-il, pour le moment, épargné ? Peut-être que Poutine «ne me considère pas comme une terrible menace», admet l’opposant. Le Kremlin ne cache d’ailleurs pas son dédain. «On ne le considère pas comme un concurrent», a lâché à la presse Dmitri Peskov, porte-parole du président russe.

«Ça fait des décennies que je critique Poutine»

Peu connu hors des sphères limitées des milieux libéraux, l’intéressé s’est lancé en octobre dans la présidentielle en l’absence de tout autre candidat anti-Poutine. Il s’attendait à ce que l’ex-maire d’Ekaterinbourg, Evgueni Roïzman, ou encore le prix Nobel de la paix et patron du journal d’opposition Novaïa Gazeta, Dmitri Mouratov, sautent le pas. Il n’en fut rien. Jusque-là cantonné au rôle de souffre-douleur des fanatiques de l’assaut contre l’Ukraine lors des débats télévisés, Boris Nadejdine décide de tenter sa chance à la magistrature suprême. Depuis 1990, il siège au conseil municipal de Dolgoproudny, située à une vingtaine de kilomètres de Moscou, où il vit également depuis la fin des années 1960. Hormis un bref passage comme député à la Chambre basse du Parlement (2000-2003), les engagements politiques de ce diplômé de physique et de droit se sont limités à une échelle très locale.

Boris Nadejdine a surtout conseillé des personnalités politiques de premier plan. Selon sa biographie officielle, il collabore de 1997 à 1999 avec Boris Nemtsov – futur opposant de premier plan à Vladimir Poutine, assassiné en 2015 –, puis avec Sergueï Kirienko – alors Premier ministre libéral, devenu aujourd’hui une figure clé du Kremlin au sein du cabinet présidentiel. Sans compter Vladimir Poutine, avec lequel il travaillait lors de son premier mandat. Nadejdine dit avoir rompu avec lui en 2003, lors de l’arrestation de l’opposant et patron du groupe pétrolier Ioukos, Mikhaïl Khodorkovski. «Ça fait des décennies que je critique Vladimir Poutine», rappelle-t-il à l’AFP, lui reprochant d’avoir «concentré trop de pouvoirs entre ses mains». «Je sais bien que ce sera dur de [le] battre», admet volontiers l’opposant. Il espère cependant un bon score au scrutin présidentiel, qui pourrait marquer selon lui «le début de la fin» de l’ère du président russe. Après presque vingt-quatre ans au pouvoir, Vladimir Poutine vise un nouveau mandat de six ans au Kremlin, une formalité tant il s’échine à réduire au silence l’opposition.