En France, «le discours de haine prend de l’ampleur, notamment dans le milieu politique, ainsi que dans les médias audiovisuels et sur les réseaux sociaux». C’est le constat inquiétant dressé par la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (Ecri), l’organe indépendant d’experts du Conseil de l’Europe chargé de combattre le racisme.
Dans son dernier rapport, publié ce mercredi, les membres de la commission ont salué les «progrès accomplis» par la France ces dernières années dans la lutte contre le racisme et les discriminations, tout en exprimant «de vives inquiétudes quant à la banalisation du discours de haine» dans le «contexte politique et électoral» et dans les «mouvements protestataires».
Une évolution qui, selon la commission dont le dernier rapport sur la France datait de 2015, «contribue parfois à créer un environnement propice aux actes de violence à l’encontre de gens du voyage et de Roms, de personnes issues de l’immigration non européenne, de personnes LGBTI ou encore de personnes perçues comme juives ou musulmanes».
Parcours «parsemés d’obstacles»
En termes de politique migratoire, le rapport relève «une certaine asymétrie entre, d’une part, l’application intransigeante d’une politique de résorption des campements illicites (évacuations systématiques sans proposition de relogement, par exemple)» et, d’autre part, l’absence quasi totale de sanctions à l’égard des autorités «lorsqu’elles ne respectent pas leurs obligations légales (comme la mise à disposition […] d’un hébergement approprié pour les réfugiés)».
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De même, la commission signale que les forces de l’ordre «continuent d’être compromises par des agissements, voire des pratiques, de nature raciste ou discriminatoire, notamment dans le cadre des contrôles d’identité» et ce, envers «les personnes issues de l’immigration ou appartenant à des groupes minoritaires».
Le rapport souligne aussi les difficultés des migrants à accéder à leurs droits en matière de santé, d’hébergement et d’emploi. Le document déplore un parcours «parsemé d’obstacles d’ordre administratif, lesquels ont parfois été amplifiés par la dématérialisation des procédures». De plus, la mise à l’abri des personnes migrantes vulnérables «comporte de graves insuffisances, notamment dans le contexte de la crise sanitaire ou vis-à-vis des jeunes migrants dont la minorité est contestée».
Pistes d’amélioration
Afin d’encourager les autorités à trouver des solutions satisfaisantes, la commission livre une liste de recommandations. Elle invite notamment l’Etat à former l’ensemble des intervenants en milieu scolaire «aux droits humains, à la tolérance, au respect de la diversité, y compris sur les thématiques LGBTI». De même, la commission suggère de définir des mesures concrètes pour assurer que les actions de démantèlement de campements «soient strictement encadrées dans les faits et que, dans tous les cas, ne portent pas atteinte aux droits fondamentaux».
En réponse à ce rapport, le gouvernement s’est fendu d’une vingtaine de pages publiées en conclusion du document, rappelant les efforts déployés dans la lutte contre les discriminations et «les propos et les comportements haineux», racistes ou homophobes. Il évoque notamment le fait que les services d’enquêtes sont désormais encouragés par les parquets à prendre des dépôts de plainte plutôt que des mains courantes. Enfin, il mentionne les «avancées majeures en termes d’inclusion sociale et de conditions de vie des voyageurs» avec l’abrogation en 2017 «du régime juridique dérogatoire et discriminatoire» qui imposait aux Gens du voyage «la détention de titres de circulation et le rattachement à une commune».
Des mesures jugées pour l’heure insuffisantes, puisque le texte remis par l’Ecri enjoint les autorités à trouver des solutions «plus efficaces […] contre le discours de haine à caractère raciste ou LGBTIphobe en politique» incitant notamment «tous les partis politiques» à adopter «des codes de conduite condamnant et sanctionnant de manière adaptée tout discours de haine». Enfin, la commission estime que des suites devraient «toujours» être données pour les «affaires ayant trait à des propos et des agissements de nature raciste ou LGBTIphobe de la part de membres des forces de l’ordre.»