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Reportage

Refus de la conscription en Ukraine : «Si je vais dans une tranchée, je suis mort en dix minutes»

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Après plus de deux ans de guerre, les soldats ukrainiens sont fatigués et la relève est difficile. Le durcissement d’une loi en avril complique la vie de ceux qui refusent d’aller au front.
Yasha, 37 ans, rejoint la garde nationale. A Kharkiv, le 1er juin. (George Ivanchenko /Libération)
publié le 6 juin 2024 à 5h58

La peur et la honte. Sergueï, 30 ans, est coutumier des deux sentiments depuis le début de la guerre et son refus d’intégrer l’armée. Il ne satisfait à aucun des critères qui pourrait lui éviter la conscription : il n’est pas malade, n’a aucun handicap, ne poursuit pas d’études et n’a pas de famille à charge. Mais il ne veut pas devenir soldat, malgré la loi qui l’y oblige et le conflit qui dure et épuise les rangs d’une armée vieillissante. «Bien sûr, j’ai peur, dit-il dans le jardin de son immeuble d’un quartier résidentiel de Kharkiv. Je n’ai jamais utilisé d’armes. Ce n’est pas en trois mois de formation, si jamais ils me les accordaient, que je pourrais devenir un combattant. Si je vais dans une tranchée, je suis mort en dix minutes, ou pire, je reviens mutilé, blessé à vie.»

La honte, il la ressent aussi. «Oui, je comprends ceux qui pourraient me dire : “Pourquoi ne fais-tu rien alors que ton pays est en guerre ? Pourquoi d’autres devraient-ils mourir à ta place ?” Je sais que c’est injuste. Mais autant la honte que la peur, ce sont des émotions. Quand j’analyse froidement la situation, je me dis que j’ai raison, que je ne suis pas capable de combattre, que je serais inutile sur le front.»

Le jeune homme a un autre argument : les affaires récurrentes de corruption d’officiers dans les centres d’enrôlement. Le 27 mai, un bureau d’enquêtes du gouvernement a annoncé qu’un officier qui dirigeait celui de Prymorskyi, un district d’Odessa (sud du pays), av