Le blockbuster a accouché d’un maigre pot de pop-corn, avec la saveur prononcée d’une victoire pour Vladimir Poutine. Pour la presse internationale, le sommet entre Donald Trump et son homologue russe résonne dans un sens assez unique : celui d’une victoire symbolique pour le maître du Kremlin.
Pour la correspondante de CNN sur place à Anchorage, le sommet, «tapageur», a surtout marqué «le retour de Poutine dans le giron diplomatique». Et de souligner le décalage entre «le faste et le protocole» en Alaska d’un côté, et «les alertes déclenchées au même moment en Ukraine alors que des drones et avions russes s’introduisaient dans le ciel ukrainien».
«Poutine a obtenu ce qu’il voulait»
C‘est aussi ce que retient The Kyiv Independent. Dans un éditorial incendiaire, le journal ukrainien parle d’un sommet «révoltant, honteux et, au final, inutile», où le président américain «n’a pas compris les intentions de Poutine pour l’Ukraine : elles sont messianiques, pas transactionnelles». «Trump n’a sûrement pas obtenu ce qu’il voulait, poursuit le média en ligne. Mais Poutine ? Certainement. A partir du moment où il est sorti de son avion, le dictateur russe pouvait jubiler. Il n’est plus un paria à l’échelle du monde, et il est parvenu à se faire accepter et respecter par le leader du monde libre.»
Amer, l’éditorial dresse également un parallèle entre la visite catastrophique de Volodymyr Zelensky à la Maison Blanche, en février 2025, et la réception du président russe. «Le président ukrainien avait dû endurer une humiliation publique. La Russie a été gâtée. Les deux épisodes sont honteux.»
Choisissant en partie de voir le verre à moitié plein, le New York Times entrevoit tout de même «un élément de soulagement» après le sommet : puisqu’il n’y a pas eu d’annonces, Volodymyr Zelensky n’aura pas à «choisir entre abandonner 20 % de son pays ou rejeter un accord de paix qui avait tout du cadeau empoisonné».
Pour El Pais, la liste des gagnants et des perdants n’est pas aussi claire. «D‘une certaine manière, la réunion s’est terminée au goût de tous, estime le quotidien espagnol. Poutine a obtenu ce qu’il attendait avant tout de cette rencontre : une photo avec le président américain, sur le sol américain, avec des avions et des soldats américains lui rendant hommage. De son côté, Trump promeut l’image qu’il recherche d’un homme d’Etat en quête de paix.»
«Poutine a chuchoté à Trump son mensonge favori, et ça a marché»
C’est aussi la ressemblance avec le tristement célèbre sommet de Munich qui intéressait la presse, quelques heures après la rencontre. Nos confrères du Monde ont noté le parallèle possible entre ce sommet de 1938 qui avait réuni la France, le Royaume-Uni d’un côté, Mussolini et Hitler de l’autre, pour évoquer la situation de la Tchécoslovaquie, que le Reich s’apprêtait à envahir, sans que cette dernière ne soit conviée. Pour le Guardian, «ce fut pire : Trump a déroulé le tapis rouge à un criminel de guerre […] qui aurait été arrêté dans plus de 100 pays au moment où il aurait foulé le pied sur le tarmac».
Pire encore, relève le quotidien britannique, dont l’éditorialiste David Smith moque «le grand amour» entre les deux chefs d’Etat : en suggérant à Trump que l’élection de 2020 avait été «truquée», «Poutine a chuchoté à Trump son mensonge favori, il sait que c’est comme ça qu’il peut gagner son cœur. Et ça a marché.» Un mensonge qui s’ajoute à celui relevé par Libé, pour qui «Vladimir Poutine n’a pas oublié de brosser Trump dans le sens du poil» en assurant : «Lorsque le président Trump a dit que s’il avait été président à l’époque, il n’y aurait pas eu de guerre, je suis tout à fait sûr que cela aurait été le cas. Je peux le confirmer.»
Finalement, c’est peut-être l’agence de presse russe officielle, Tass, qui résumait le mieux la sensation que ce sommet avait surtout fait œuvre utile pour la Russie, en titrant son compte rendu avec la note que Donald Trump avait attribué à la rencontre : «10 sur 10».