Le plus féminin de l’histoire, particulièrement éduqué et compétent, le gouvernement formé par Keir Starmer est celui «de tous les talents» et rassemble d’anciens ministres de Tony Blair et de Gordon Brown, des élus de longue date, des membres de la société civile et des alliés qui ont fait leurs armes à ses côtés dans l’opposition.
Angela Rayner, vice-Première ministre, secrétaire d’Etat à l’Egalité des chances
En quittant l’école enceinte de son fils aîné et à 16 ans, Angela Rayner s’était entendu dire qu’elle «ne serait jamais bonne à rien». A 44 ans, elle devient vice-Première ministre du Royaume-Uni et secrétaire d’Etat à l’Egalité des chances, au logement et aux communautés – un portefeuille qu’elle occupait déjà dans l’opposition.
Née près de Manchester en 1980, Rayner a grandi dans la pauvreté – sa mère était analphabète – et a gardé son fort accent du Nord, devenu avec ses tailleurs colorés, son charisme et ses cheveux roux, la marque de son image publique. Socialiste, membre de l’aile gauche modérée du parti travailliste, elle est arrivée en politique en 2015 par la voie des syndicats après avoir travaillé dans le soin à la personne. Un parcours atypique et remarqué dans le paysage encore très élitiste du Parlement britannique.
Féministe «avec un grand F», la jeune femme, qui a eu deux autres fils dont un grand prématuré, apparaît aussi extravertie et franche que Starmer semble en retrait. Elle est régulièrement prise pour cible par ses opposants politiques et par la presse, et ces attaques se sont intensifiées pendant la campagne. Mais elle y répond avec un franc-parler et une gouaille jamais démentis qui l’ont parfois obligée à présenter des excuses. Ses priorités seront de travailler avec les maires des grandes métropoles, de faire construire 1,5 million de nouveaux logements, et de renforcer les droits des travailleurs à travers un «New Deal».
Rachel Reeves, Chancelière de l’Echiquier
Ancienne économiste de la Banque d’Angleterre, Rachel Reeves devient la toute première femme à prendre le poste de Chancelière de l’Echiquier (ministre des Finances) en 708 ans d’existence de la fonction. Une «responsabilité historique» a-t-elle souligné, qui doit montrer aux jeunes filles et aux femmes «qu’il ne devrait pas y avoir de limites à [leurs] ambitions». Elle représente un choix évident, eu égard à son implication dans la campagne, à sa place au sein de l’opposition, et à sa solide réputation pour le sérieux et la mesure.
Londonienne, championne d’échecs pendant son enfance, Reeves a rejoint le parti travailliste à l’adolescence et est entrée au Parlement en 2010 en se faisant élire à Leeds. Elle hérite d’une situation économique difficile, après plus d’une décennie de stagnation et alors que le Royaume-Uni connaît la seconde plus faible croissance du G7 après l’Allemagne. «Il n’y a pas beaucoup d’argent», a-t-elle prévenu dès sa nomination. Elle souhaite promouvoir la productivité et la croissance à travers «la stabilité, l’investissement et la réforme», pour asseoir la sécurité économique du Royaume-Uni et pouvoir reconstruire les services publics. Un projet qui vise aussi à continuer d’établir son parti comme celui de la responsabilité fiscale, qu’elle résume par le néologisme «sécuronomie».
David Lammy, ministre des Affaires étrangères
Né à Londres de parents guyanais, David Lammy s’est dit ému d’être le premier Foreign Secretary à la fois «descendant de personnes réduites en esclavage» et «homme noir issu de la classe populaire». Engagé dans la lutte contre le racisme et pour la justice sociale, il entretient des liens étroits avec les Etats-Unis, où il a passé de nombreux étés avant de devenir le premier Britannique noir à étudier à la faculté de droit de l’université Harvard. Il y a rencontré Barack Obama et a participé à la première campagne présidentielle de celui-ci, s’y créant un réseau parmi les démocrates.
Juriste, plus jeune membre du Parlement lors de sa première élection, David Lammy a occupé un éventail varié de rôles dans les gouvernements de Tony Blair, qui l’a fait un temps ministre de la Culture, puis dans celui de Gordon Brown. Le nouveau chef des diplomates, qui avait milité contre le Brexit, a déjà annoncé son intention de renforcer les liens avec l’Europe et continuera à soutenir l’Ukraine. S’il avait décrit Marine Le Pen comme «un personnage malveillant» aux «vues toxiques» et Donald Trump comme un «sociopathe misogyne et sympathisant néonazi», il a depuis assuré qu’il travaillerait avec le prochain Président américain quel qu’il soit. Il entend promouvoir l’équilibre entre la politique étrangère et la sécurité économique de son pays.
James Timpson, ministre des Prisons
A la tête d’un empire qui ne compte pas moins de 2 100 magasins de cordonnerie, découpe de clés, impression de photos ou encore services de pressing, James Timpson est un industriel à part, le premier au Royaume-Uni à avoir engagé d’anciens détenus : parmi les 5 600 employés de son groupe, près de 10 % ont connu la prison. Engagé pour la réinsertion et contre la récidive, il est un fervent défenseur d’un management «à l’envers» et axé sur l’humain, qui donne aux travailleurs davantage de latitude pour servir les clients tout en créant des conditions favorables à l’épanouissement au travail. Ses magasins sont notamment connus pour offrir des services gratuits aux clients en difficulté.
Philanthrope, en faveur du droit à une deuxième chance, Timpson estime que seul un tiers des détenus ont véritablement leur place en prison. Expert du sujet, il a déjà travaillé avec les conservateurs pour réformer le système carcéral, et a occupé le rôle de président du Prison Reform Trust jusqu’à sa nomination surprise – et bien reçue – vendredi dernier au poste de ministre des Prisons. Dans la mesure où il n’est pas élu, il devrait siéger à la chambre des Lords.