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Royaume-Uni: Boris Johnson, parti pour rester?

Entre ceux qui militent pour sauver sa réputation et ceux qui craignent son influence perturbatrice sur le parti, une chose est certaine : l’ex-Premier ministre n’a pas fini de faire parler de lui.
L'ancien Premier ministre britannique Boris Johnson à Downing Street en juillet. (PHIL NOBLE/REUTERS)
par Juliette Démas, correspondante à Londres
publié le 6 septembre 2022 à 1h23

Il n’est pas encore parti que, déjà, on parle de son retour. Boris Johnson, l’homme qui n’a jamais perdu une seule élection depuis 1997, par deux fois maire de Londres et agrégateur de la plus large majorité conservatrice en trente ans, est finalement tombé pour son laxisme face au harcèlement sexuel au sein de son équipe. Aura-t-il droit à un retour en grâce ? Dès les premières minutes de sa nomination, la nouvelle Première ministre, Liz Truss, l’a bien remercié, cet «ami» qui a «accompli le Brexit», «écrasé Jeremy Corbyn» et «a tenu tête à Vladimir Poutine». Mais malgré les éloges de celle qui l’a soutenu jusqu’au bout, Johnson ne devrait pas trouver de poste au sein du nouveau gouvernement, pour lequel il pourrait d’ailleurs devenir un véritable casse-tête.

Postes clés

Car, s’il quitte le 10, Downing Street, l’ancien chef des Conservateurs reste pour l’instant membre de la Chambre des communes. Il pourra exercer son influence depuis les bancs de l’Assemblée, où se trouve déjà Theresa May, qu’il avait lui-même fait tomber en appelant le parti conservateur à se rallier derrière lui et son projet de «Brexit dur» en 2019. Le code ministériel lui interdit de faire du lobbying auprès du gouvernement pour les deux prochaines années, mais c’est compter sans son influence médiatique. Délivré du statut de chef du gouvernement, un Boris Johnson capable de dire ce qu’il veut dans les journaux et sur les multiples plateformes à sa disposition sera le cauchemar des futurs ministres s’il décide de s’opposer à leurs projets. Il a déjà assuré qu’il irait dans le sens de Liz Truss, mais n’hésiterait pas à se montrer critique sur des sujets comme l’Ukraine, le développement régional ou les objectifs de neutralité carbone.

Le phénomène n’est pas nouveau : John Major, qui a pris la suite de Margaret Thatcher en 1990, avait, lui aussi, fait les frais de ce délicat échange de pouvoir, embarrassé par les interventions médiatiques de sa prédécesseure. Soucieuse de s’attirer les bonnes grâces de l’électron libre Johnson, l’équipe de Liz Truss s’apprête donc à garder quelques noms de son clan à des postes clés, notamment le Brexiteur Jacob Rees-Mogg et la ministre de la Culture Nadine Dorries.

Statut très lucratif

La longévité de Boris Johnson en tant que député n’est cependant pas assurée et il pourrait choisir de s’en aller pour échapper à l’enquête parlementaire qui plane sur son avenir. Celle-ci vise à déterminer s’il a menti au Parlement en disant qu’il n’était pas au courant des fêtes organisées dans ses bureaux en pleine pandémie. S’il reste, et est jugé coupable, il risque une suspension de son poste à la Chambre des communes, qui pourrait déboucher sur une élection dans sa circonscription d’Uxbridge où sa majorité de 7 000 voix reste fragile. Ses alliés, qui ont lancé cet été une pétition pour le garder à son poste, tentent de discréditer l’enquête pendant que d’autres complotent pour organiser un vote de défiance à l’égard de Truss au plus vite.

En attendant, comme bien d’autres avant lui, Boris Johnson va profiter du statut très lucratif d’ex-Premier ministre pour éponger les dettes contractées ces trois dernières années. Il pourra reprendre sa carrière médiatique, et pourquoi pas, sa chronique hebdomadaire à 275 000 livres (319 000 euros) par an dans le Daily Telegraph. Il se verra certainement offrir des opportunités de conférences dans le monde entier – Tony Blair était ainsi devenu un des orateurs les mieux payés au monde quelques mois après sa démission, quand David Cameron empochait 10 millions de livres pour deux années de travail à mi-temps en tant que conseiller dans le privé. Le but reste toutefois, selon ses proches, de ne pas se fermer de portes, et surtout pas celles du pouvoir. En effet, lors de son dernier discours au Parlement, Boris Johnson concluait ses adieux par la célèbre réplique de Terminator : «Hasta la vista, baby.» A la prochaine, donc.