L’occasion était trop belle. Déjà, en début de semaine, le Premier ministre britannique, Keir Starmer, avait modifié drastiquement l’équipe de ses conseillers, la resserrant autour de quelques personnalités très qualifiées et annonçant entrer dans la seconde phase de son mandat avec comme seul objectif de «livrer, livrer, livrer» des résultats au pays. Ce qu’il a échoué à réaliser depuis sa victoire aux élections et son arrivée au 10, Downing Street en juillet 2024. Vendredi, il a donc profité de la démission de sa vice-Première Angela Rayner, emportée par une erreur fiscale, pour opérer cette fois un remaniement en profondeur de son gouvernement.
Figure de l’aile gauche du Labour, Angela Rayner, 45 ans, issue de la classe populaire, qui fut mère adolescente et célibataire, est une des figures du parti les plus populaires et accessibles. Mais, comme il l’a démontré à plusieurs reprises depuis son arrivée au pouvoir en juillet 2024, Keir Starmer n’hésite jamais à se séparer de proches ou d’alliés.
Or, depuis quelques mois, le Premier ministre rame. Très visible et actif à l’international, Keir Starmer voit son image écornée sur le front domestique, où il n’arrive pas à imposer son agenda et où son gouvernement pâtit d’un manque apparent de direction. Son parti est désormais dépassé par la nouvelle formation d’extrême droite de Nigel Farage, Reform, qui organise ce week-end son congrès annuel et qui, fort d’un parti conservateur en totale déliquescence, se voit déjà à Downing Street après les prochaines élections générales, attendues d’ici l’été 2029. Depuis Birmingham, Nigel Farage n’a pas manqué de critiquer un gouvernement «qui malgré toutes ses promesses de mener une politique nouvelle et différente, est aussi mauvais, voire pire, que celui qui l’a précédé».
Farouche pro-européenne
La démission d’Angela Rayner donne donc à Starmer l’occasion de remanier en profondeur la composition de son gouvernement et ses premières annonces montrent une volonté de s’entourer de ministres expérimentés. C’est David Lammy, 53 ans, qui était aux Affaires étrangères, qui devient vice-Premier ministre, tout en prenant le portefeuille de la Justice, alors qu’Yvette Cooper passe du ministère de l’Intérieur au Foreign Office. Cette dernière, âgée de 56 ans et économiste de formation, a été élue pour la première fois députée en 1997, lors du raz-de-marée du New Labour qui avait porté Tony Blair au pouvoir. Elle avait très vite été appelée au gouvernement et a occupé de nombreux postes ministériels, sous les deux mandats de Tony Blair et sous celui de son successeur Gordon Brown. Farouche pro-européenne, elle s’était violemment opposée au Brexit.
Avec Douglas Alexander, 58 ans, qui reprend le ministère de l’Ecosse, ils faisaient partie de la jeune garde du New Labour qui, élue une première fois à à peine 30 ans en 1997, avait été promise à un bel avenir en politique.
Analyse
L’actuelle ministre de la Justice, Shabana Mahmood, 44 ans, remplace Yvette Cooper à l’Intérieur. Elle sera, à ce poste, en charge des questions d’immigration, sujet majeur sur lequel joue l’opposition conservatrice et de Reform. Shabana Mahmood a la réputation au sein du Labour de ne pas mâcher ses mots sur ce sujet.
Alors que l’économiste Rachel Reeves, 46 ans, conserve son poste de Chancelière de l’Echiquier (ministre des Finances), c’est la première fois que trois femmes sont en même temps à la tête des trois postes – Affaires étrangères, finances et intérieur – les plus importants du cabinet britannique.
La cheffe de l’opposition conservatrice Kemi Badenoch s’est réjouie sur X qu’Angela Rayner soit «enfin partie», accusant le chef du gouvernement de «faiblesse» pour ne pas avoir agi dès les premières révélations. Le leader des Libéraux-Démocrates, Ed Davey, a estimé de son côté que le gouvernement «avait tiré les mauvais enseignements» du précédent gouvernement conservateur «en croyant qu’un remaniement allait résoudre ses problèmes profondément enracinés».