Dès 2018, alors que le gouvernement de Theresa May tentait de négocier un accord de sortie de l’Union européenne, des critiques s’étaient fait entendre : comment une Première ministre diabétique de type 1 pouvait-elle défendre un projet qui risquait de perturber les approvisionnements en insuline ? Plusieurs associations de patients avaient alors partagé leurs inquiétudes sur le risque vital que pourrait poser le Brexit, en faveur duquel les Britanniques s’étaient prononcés à 52 % lors d’un référendum le 23 juin 2016.
Pression accrue sur le système de santé
Sept ans plus tard, leurs craintes se sont confirmées. L’inflation, la guerre en Ukraine et les années de pandémie ont mondialement chamboulé les chaînes de production et d’approvisionnement en médicaments. Les pénuries sont de plus en plus fréquentes en Europe et aux Etats-Unis. Au Royaume-Uni, constate un rapport du think tank Nuffield Trust publié le 18 avril, elles deviennent de plus en plus communes en raison du Brexit.
En effet, les chercheurs soulignent que la sortie de l’Union européenne est venue «exacerber» les «fragilités» déjà présentes dans la chaîne d’approvisionnement en médicaments. Entre 2020 et 2023, les pénuries de médicaments ont plus que doublé (648 alertes en 2020 pour 1 634 en 2023), notamment pour les antibiotiques, des traitements pour l’épilepsie et le trouble déficit de l’attention et certains médicaments utilisés par les diabétiques de type 2. La pression s’est accrue sur les médecins généralistes, le système de santé, les malades et les pharmacies.
Un décalage qui risque de limiter le nombre d’options pour les patients
Les impacts du Brexit sont multiformes. Celui-ci a provoqué une chute du cours de la livre sterling après le référendum de 2016, à un moment où les prix des produits pharmaceutiques augmentaient. De même, il a nécessité la création de contrôles à la frontière. Le départ de l’Agence européenne des médicaments, qui évalue et contrôle les traitements avant de les mettre sur le marché, a aussi joué un rôle, car son équivalent britannique n’arrive pas à suivre le rythme. Sur l’année 2023, 56 médicaments ont été approuvés plus rapidement par l’Europe, contre quatre autorisés plus vite au Royaume-Uni. Un décalage qui risque, à terme, de limiter le nombre d’options et de génériques disponibles pour les patients britanniques. Certaines entreprises ont donc choisi de rayer le Royaume-Uni de leur liste de clients, tandis que le gouvernement s’est arrangé pour rembourser les pharmacies qui achètent des traitements à un prix supérieur à ceux habituellement pratiqués.
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Pour Mark Dayan, qui gère le programme Brexit auprès du Nuffield Trust, il s’agit «d’un développement choquant, que peu auraient envisagé il y a dix ans». Le rapport souligne des risques futurs : le Royaume-Uni pourrait être exclu des mesures européennes de prévention des pénuries, et ne pourra pas compter sur l’amélioration des relations avec les Vingt-Sept. Les solutions sont donc à chercher du côté du gouvernement, invité à mieux anticiper les manques, à communiquer, et à faire preuve de prudence quant à l’augmentation des prix.