Victoire pour les défenseurs des droits humains et coup de massue pour Rishi Sunak, qui voit sa principale promesse électorale retoquée. Les cinq hauts magistrats de la Cour suprême britannique ont à l’unanimité rejeté ce mercredi 15 novembre le recours du ministère de l’Intérieur quant au projet hautement controversé d’expulsion vers le Rwanda de demandeurs d’asile arrivés illégalement au Royaume-Uni, le jugeant illégal. Une décision fondée sur des raisons légales et aucunement politiques, a insisté le président de l’instance juridique, Robert Reed.
Analyse
Annoncé en avril 2022 sous le gouvernement de Boris Johnson, le projet d’envoyer au Rwanda des migrants – quelle que soit leur origine – se trouvait depuis lors au point mort, bloqué par la justice. L’accord, imaginé pour une durée de cinq ans, prévoyait que Londres verse 140 millions de livres sterling, soit 160 millions d’euros, en contrepartie à Kigali, pour l’aide au développement et à la prise en charge des migrants expulsés – dans l’idée qu’ils s’établissent dans le pays d’Afrique. Deux mois après son annonce, un premier vol avait toutefois été annulé après une décision de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH).
Puis, fin juin dernier, la cour d’appel de Londres avait déjà jugé le projet «illégal», estimant que le Rwanda ne pouvait en l’état être considéré comme un «pays tiers sûr». Les juges avaient identifié «un risque réel que les personnes envoyées au Rwanda soient [ensuite] renvoyées dans leur pays d’origine où elles étaient en proie à des persécutions et autres traitements inhumains».
Réagissant à l’annonce de la Cour suprême ce mercredi, le gouvernement de Kigali a «contest [é] la décision selon laquelle le Rwanda n’est pas un pays tiers sûr pour les demandeurs d’asile et les réfugiés». «Nous prenons nos responsabilités humanitaires au sérieux et continuerons à nous en acquitter», a ajouté le gouvernement. En matière de droits humains, le Rwanda, dirigé d’une main de fer par Paul Kagame, est pourtant régulièrement épinglé pour sa dure répression des opposants politiques et le non-respect de la liberté d’expression.
«Arrêter les bateaux»
Au pouvoir depuis un an, Rishi Sunak a promis d’ «arrêter les bateaux» de migrants qui traversent la Manche. Depuis le début de l’année, ils sont plus de 27 000 à avoir effectué la traversée, contre 45 000 en 2022 – un record.
A la recherche d’un nouvel élan pour conjurer la défaite annoncée par les sondages lors des élections législatives attendues d’ici 2025, le Premier ministre Rishi Sunak jouait gros avec ce jugement. Charge à lui et à son nouveau ministre de l’Intérieur, James Cleverly, d’en assumer maintenant les conséquences. Le successeur de Suella Braverman, figure controversée de la droite conservatrice limogée le 13 novembre lors d’un remaniement ministériel, apparaît comme un élément plus modéré que celle qui ne cessait d’agiter, entre autres, la menace d’un «ouragan» migratoire.
Devant les députés, Rishi Sunak a fait savoir que son gouvernement travaillait déjà à un «nouveau traité» avec Kigali, qui serait finalisé au vu du jugement de la Cour suprême. «S’il apparaît clairement que nos cadres juridiques nationaux ou nos conventions internationales continuent de nous entraver, je suis prêt à modifier nos lois et à réexaminer ces relations internationales», a-t-il ajouté. Certains élus de la majorité conservatrice réclament même un retrait de la Convention européenne des droits de l’homme.
Mis à jour : 14 h 16, avec l’ajout de l’annonce d’un «nouveau traité» par Rishi Sunak.