Au cours de la même semaine, les députés britanniques ont eu à voter deux fois sans consigne de leurs partis, sur des questions éthiques qui marquent un des plus grands tournants de la décennie pour la société britannique : la décriminalisation de l’avortement le mardi 17 juin, qui annule les poursuites si un IVG est réalisé en dehors du cadre légal et la légalisation de l’aide médicale à mourir, ce vendredi 20 juin.
La dernière fois qu’un texte sur la fin de vie assistée a été soumis au vote à Westminster, l’échec avait été retentissant. C’était en 2015, sous David Cameron, et le projet de loi avait été rejeté avec 330 voix contre, et seulement 118 pour. Une décennie plus tard, les mentalités ont changé : selon les derniers chiffres de YouGov, les trois quarts des Britanniques et des Gallois – les deux nations du Royaume-Uni concernées par le changement – se déclarent en faveur de l’aide médicale à mourir. A l’heure actuelle, le suicide assisté y est illégal, et toute aide ou incitation est passible de quatorze ans d’emprisonnement.
L’écart se resserre
Le projet de loi Terminally Ill Adults (End of Life) a été proposé dès les premiers mois du gouvernement travailliste par la députée Kim Leadbeater. Sa deuxième lecture, en novembre 2024, avait été le théâtre de débats houleux à la Chambre des Communes. Lors de sa troisième lecture, ce 20 juin, des mots durs ont à nouveau été échangés, un présentateur de la chaîne GB News, proche des milieux ultraconservateurs, l’équivalent britannique de Fox News, accusant le Labour d’être «une secte de la mort». Des dizaines d’activistes des deux bords s’étaient rassemblés devant Westminster en attendant le vote.
Le sujet a profondément divisé, au sein même des partis et du gouvernement, et l’écart s’est resserré. La majorité est passée de 55 à 23 voix. Si le Premier ministre, Keir Starmer, s’était jusque-là prononcé en faveur du projet, il n’a pas confirmé l’issue de son vote, et a tardé à faire savoir s’il serait présent. Le ministre de la Santé et la ministre de l’Intérieur ont tous deux invité leurs collègues à voter contre, tout comme l’ancien Premier ministre travailliste Gordon Brown. Pour une grande partie de ces opposants, ce n’est pas tant le principe de l’aide à mourir que le contenu de la loi qu’ils invitent à repenser. Ils soulignent l’inégalité d’accès aux soins palliatifs sur le territoire et le poids supplémentaire que l’aide à mourir fera porter au service de santé public, le NHS (National Health Service), déjà en grande difficulté.
En France, le débat s’était cristallisé autour de cinq points : être majeur, être français ou résident stable en France, être atteint d’une affection grave et incurable, présenter une souffrance psychologique ou physique constante et impossible à soulager, et être apte à manifester sa volonté de manière libre et éclairée. Un texte, voté fin mai, a reçu l’aval de l’Assemblée nationale et doit désormais passer devant le Sénat.
Il reste des points de blocage
En Angleterre et au Pays de Galles, la loi s’adresse aux adultes malades en phase terminale, dont l’espérance de vie est inférieure à six mois, et qui sont capables de s’auto-administrer un produit létal. Si Kim Leadbeater a maintes fois répété que le processus serait encadré par les garde-fous «les plus stricts» au monde, il reste néanmoins des points de blocage. La proposition initiale impliquait la décision d’un juge de la haute cour de justice, remplacé dans la dernière version par un comité constitué de plusieurs experts composé d’un psychiatre, d’un travailleur social et d’un juriste senior. L’accord de deux médecins est également obligatoire.
Le parcours du projet de loi n’est pas terminé : il doit encore être examiné par la Chambre des Lords, la chambre haute du Parlement, qui l’amendera mais devrait le voter. Il pourrait recevoir la sanction royale, dernière étape du trajet parlementaire, d’ici la fin de l’année 2025, mais la loi ne sera pas mise en application avant 2029 – une requête de ses opposants qui veulent voir d’ici là une amélioration des soins palliatifs, ainsi qu’un nécessaire temps d’adaptation pour le système de santé. Selon les projections du gouvernement, il pourrait y avoir entre 164 et 787 suicides assistés dès la première année d’application de la loi, puis entre 1 042 et 4 559 dix ans après son entrée en vigueur – cette estimation la plus haute ne représentant pas plus de 1 % du total des décès.
En Ecosse, où la santé est une prérogative de l’Assemblée de dévolution, un projet de loi similaire a été voté en première lecture en mai. Et en mars, l’île de Man prenait de l’avance en devenant le premier territoire britannique à légaliser la fin de vie assistée.