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Liberté de la presse

Russie : accusés d’avoir collaboré avec l’organisation d’Alexeï Navalny, quatre journalistes lourdement condamnés

Antonina Kravtsova, Sergueï Kareline, Konstantin Gabov et Artiom Krieger ont été condamnés «à cinq ans et six mois» de prison ce mardi 15 avril pour avoir travaillé avec l’organisation classée «extrémiste» de l’opposant numéro 1 à Poutine mort en février 2024 en détention.
La journaliste Antonina Kravtsova, qui travaillait sous le nom d’Antonina Favorskaïa, lors de l'audience de ce mardi 15 avril 2025 dans un tribunal de Moscou. (AP)
publié le 15 avril 2025 à 18h38

La justice russe ne se limite désormais plus aux collaborateurs directs d’Alexeï Navalny. Un tribunal de Moscou a condamné ce mardi 15 avril quatre journalistes accusés d’avoir collaboré avec l’organisation classée «extrémiste» de l’opposant russe, nouvel exemple de la répression qui touche toutes les voix critiques du Kremlin. Le mouvement d’Alexeï Navalny, adversaire numéro 1 de Vladimir Poutine en Russie mort à 47 ans en prison dans des conditions mystérieuses en février 2024, a été méthodiquement éradiqué ces dernières années. Ses alliés et ses partisans ont été poussés à l’exil ou incarcérés.

Les journalistes Antonina Kravtsova, Sergueï Kareline, Konstantin Gabov et Artiom Krieger ont ainsi été reconnus coupables de «participation à une organisation extrémiste». Ils sont «condamnés» chacun «à cinq ans et six mois» de prison, a déclaré la juge, Natalia Borissenkova, soit un peu moins que la peine de cinq ans et 11 mois requise par la procureure. Tous ont rejeté les accusations de la justice russe.

Après la lecture du verdict, Artiom Krieger a crié : «Tout ira bien, tout changera ! Ceux qui m’ont condamné seront assis ici à ma place.» «Vous faites la fierté de la Russie», lui a répondu un soutien présent dans la salle. «Vous êtes les meilleurs !» ont crié d’autres personnes, en les applaudissant. Des diplomates européens étaient également venus ce mardi au tribunal.

Pression accrue sur les médias russes ces derniers mois

Les quatre journalistes avaient été arrêtés au printemps et à l’été derniers, avant d’être jugés à huis clos, un procédé désormais classique en Russie pour ce type d’affaire. Antonina Kravtsova, qui travaillait sous le nom d’Antonina Favorskaïa, couvrait très régulièrement les procès d’Alexeï Navalny pour SOTAvision. Elle avait réalisé, le 15 février 2024, la dernière vidéo montrant Alexeï Navalny encore en vie : c’était au cours d’une audience, la veille de sa mort. Il comparaissait alors par lien vidéo depuis sa prison de l’Arctique. S’exprimant devant la presse avant le début du procès, Antonina Kravtsova avait lancé : «Souvenez-vous, les ténèbres qui nous entourent ne dureront pas toujours. Il y a toujours de l’espoir.»

Les reporters Sergueï Kareline et Konstantin Gabov étaient quant à eux accusés d’avoir participé à la production de vidéos pour l’équipe d’Alexeï Navalny. Le premier a collaboré par le passé avec l’agence de presse Reuters et le second, avec Associated Press. Artiom Krieger, un journaliste de SOTAvision, est également accusé d’avoir collaboré avec l’organisation anticorruption de l’opposant.

Face au tribunal, il avait dit lors d’une audience, selon le site Meduza : «Je ne voulais pas fuir et avoir peur, je voulais insister sur le fait qu’il était possible et nécessaire de faire du journalisme en Russie». «Si je dois payer cette conviction de ma liberté ou de ma vie, je suis prêt à le faire», avait-il appuyé. «Je suis en prison à cause de mon travail, de mon attitude honnête et impartiale envers le journalisme, et de mon amour pour ma famille et mon pays», avait de son côté lancé Sergueï Kareline, toujours d’après Meduza.

Les autorités russes ont largement accru la pression ces derniers mois sur les ultimes médias indépendants et étrangers en Russie, sur fond de forte répression généralisée des voix critiques de l’offensive en Ukraine déclenchée en février 2022. Plusieurs journalistes russes ont été condamnés à de lourdes peines ces dernières années sous diverses accusations.