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Homophobie

Russie : la Cour suprême bannit le «mouvement LGBT» pour «extrémisme»

LGBT +dossier
Après une demande en ce sens du ministère de la Justice, la Cour suprême russe a décidé ce jeudi 30 novembre d’interdire le mouvement «international» LGBT + et ses «filiales» dans le pays. Les auteurs de revendications risqueront désormais de lourdes peines de prison.
Des militants pour les droits LGBT+ manifestaient à Moscou, le 6 mai 2017. (Kirill Kuddryavtsev/AFP)
publié le 30 novembre 2023 à 13h39

La Russie bascule encore un peu plus dans l’intolérance et l’obscurantisme. La Cour suprême russe a banni ce jeudi 30 novembre pour extrémisme le mouvement «international» LGBT + ainsi que toutes ses «filiales» dans le pays. Le juge a lu son verdict devant la presse après une audience à huis clos, déclarant que la décision entrait en vigueur «immédiatement».

L’audience s’est déroulée sans défenseur, aucune organisation portant ce nom n’existant en Russie, mais la décision de la plus haute juridiction russe devrait aboutir à l’interdiction de tout groupe défendant les causes LGBT +. Avec la validation de cette mesure, toute activité publique associée à ce que la Russie considère comme des préférences sexuelles «non-traditionnelles» pourrait être sanctionnée pour «extrémisme», un crime passible de lourdes peines de prison.

«En pratique, les autorités pourraient commencer à ouvrir des affaires pénales contre des personnalités publiques et des militantes et militants pour instaurer un climat de peur», a estimé Maxime Olenitchev, un juriste de l’ONG Pervy Otdel, qui vient en aide aux victimes de répressions en Russie.

«Tout le monde pourrait tomber sous [cette accusation] d’extrémisme», s’est indigné Ian Dvorkine, fondateur en Russie de l’ONG Centre T, qui aide les personnes transgenres. Pour lui, ce procès visant un «mouvement» n’existant pas officiellement en Russie est «un nouveau pic de folie». «De plus en plus de personnes» demandent de l’aide pour quitter le pays, a affirmé le militant, qui a lui-même fui par crainte d’être taxé d’«extrémisme» et jeté en prison. «Travailler en Russie devient très incertain. […] On dirait que [les militants LGBT +] qui survivront vivront entièrement cachés», a-t-il alerté.

Le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, a aussitôt dénoncé cette nouvelle décision. «Personne ne devrait être emprisonné pour avoir œuvré en faveur des droits humains ou privé de ses droits en raison de son orientation sexuelle ou de son identité de genre», a-t-il souligné dans un communiqué. L’organisation de défense des droits humains Amnesty International a condamné de son côté une «décision honteuse et absurde», «appel [ant] les autorités russes à [la] revoir immédiatement».

«Propagande»

Mi-novembre, le ministère russe de la Justice avait déjà demandé à qualifier «d’organisation extrémiste» et à interdire «le mouvement international LGBT», sans dire clairement quelle organisation il visait. Jusqu’à présent, les personnes LGBT + risquaient de fortes amendes en cas de «propagande», mais pas d’emprisonnement. En juillet, les députés russes avaient aussi adopté une loi visant les personnes transgenres, leur interdisant leurs transitions, notamment les opérations chirurgicales et les thérapies hormonales.

La dernière décennie a vu les droits des personnes LGBT + drastiquement limités sous l’impulsion de Vladimir Poutine, qui, avec l’Eglise orthodoxe, assure vouloir éliminer de la sphère publique des comportements jugés déviants et importés d’Occident.

Mise à jour : à 16 h 44 avec la réaction de l’ONU et de militants.