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Liberté de la presse

Russie : la journaliste Alsu Kurmasheva arrêtée, sa détention prolongée

La Russo-Américaine travaillant pour le média américain Radio Free Europa/Radio Liberty a été arrêtée mercredi, où elle est accusée de ne pas s’être déclarée «en tant qu’agent de l’étranger». Elle encourt cinq ans de prison.
La journaliste russo-américaine Alsu Kurmasheva a été arrêtée mercredi 18 octobre, en Russie, où elle est accusée de ne pas s’être déclarée «en tant qu’agent de l’étranger». (Claire Bigg/AP)
par Veronica Gennari et AFP
publié le 20 octobre 2023 à 16h36

Depuis le box réservé aux accusés, Alsu Kurmasheva écoute la décision du juge, sous son masque FFP2 : elle restera en prison. La détention de la journaliste russo-américaine, arrêtée mercredi 18 octobre dans la ville de Kazan au Tatarstan, en Russie centrale, a été prolongée ce vendredi jusqu’au 23 octobre.

Alsu Kurmasheva, de double citoyenneté russe et américaine, qui vit à Prague en République tchèque, s’était rendue en Russie, pour une «urgence familiale» le 20 mai. Au moment de repartir, le 2 juin, elle a été interpellée, au prétexte qu’elle n’avait pas enregistré son passeport américain auprès des autorités russes. Ses papiers lui ont été confisqués, ce qui l’a empêché de quitter la Russie depuis.

La Russie veut «étouffer l’information indépendante»

Mercredi 18 octobre, elle a été condamnée à une amende pour ne pas s’être déclarée en tant qu’«agent de l’étranger», une règle imposée en Russie depuis 2012 aux ONG et médias indépendants qui les stigmatise en tant qu’ennemis intérieurs, et limite leur champ d’action. La journaliste est accusée de ne pas avoir fourni les documents nécessaires à son enregistrement alors qu’elle était engagée dans «la collecte intentionnelle d’informations concernant des activités militaires» pouvant être dommageables pour «la sécurité de la Fédération de Russie», ainsi que d’avoir «mené des campagnes d’informations discréditant la Russie», précise l’agence de presse russe Tatar-Inform. Si elle est reconnue coupable, elle risque jusqu’à cinq ans de prison, conformément au code pénal russe.

Kurmasheva est la deuxième journaliste américaine arrêtée en Russie, après Evan Gershkovich, le correspondant du Wall Street Journal, détenu à Moscou depuis le 29 mars. Lui est accusé d’espionnage et encourt vingt ans de prison. Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) se dit «profondément préoccupé par la détention de la journaliste» fondée sur des «accusations criminelles fallacieuses» et «appelle les autorités russes à la libérer immédiatement». Il ajoute que la détention de Kurmasheva est «une preuve de plus que la Russie est déterminée à étouffer l’information indépendante».

«Un exemple de la répression implacable du journalisme»

Depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022, Moscou a durci la répression contre les médias et les journalistes indépendants. Selon un collègue de Kurmasheva, cité par le CPJ, «elle a été arrêtée simplement parce qu’elle est une employée de Radio Liberty». En effet Radio Free Europa/Radio Liberty, un média financé de longue date par le Congrès américain, et dont la rédaction russe a déménagé à Prague, couvre assidûment la guerre en Ukraine et la répression contre la société civile en Russie. Le CPJ rapporte que les domiciles de sept journalistes de Radio Free Europe ont été perquisitionnés en 2022 par la police du Tatarstan. Plus de 30 employés du média américain ont été inscrits sur la liste des «agents étrangers», et beaucoup ont quitté la Russie depuis le début de la guerre.

Amnesty International a condamné l’arrestation de la journaliste. Selon Marie Struthers, directrice du programme Europe de l’Est et Asie centrale, «la persécution d’Alsu Kurmasheva est un exemple de la répression implacable du journalisme et du droit à la liberté d’expression en Russie». Sans surprise, le Kremlin a rejeté les accusations : «Il n’y a en Russie aucune campagne de persécution des citoyens des Etats-Unis», a indiqué son porte-parole, Dmitri Peskov. «Il y a des ressortissants américains qui violent des lois et contre qui on prend des mesures appropriées.»