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Libération
«Justice»

Russie : le journaliste américain Evan Gershkovich condamné à 16 ans de prison

La très longue peine de prison infligée ce vendredi 19 juillet au reporter du «Wall Street Journal» marque la fin d’un procès expéditif à huis clos pour espionnage, une accusation jamais étayée par la Russie.
Le journaliste américain Evan Gershkovich au tribunal de Iekaterinbourg, en Russie, ce vendredi 19 juillet 2024. (AP)
publié le 19 juillet 2024 à 14h09

16 ans de prison. C’est la peine exorbitante dont écope ce vendredi 19 juillet le journaliste américain Evan Gershkovich, accusé d’espionnage par les autorités russes, soit deux années de moins que ce qu’avait requis ce vendredi matin l’accusation. L’affaire a été traitée au pas de charge, seulement deux audiences, à huis clos, par un tribunal de Iekaterinbourg. Et le verdict est à la fois sidérant et totalement attendu, tant depuis le départ l’affaire ne ressemble qu’à une prise d’otage par Moscou en vue d’un échange de prisonniers avantageux. Vladimir Poutine a mentionné à plusieurs reprises que Moscou et Washington étaient en contact «permanent» sur le dossier, et qu’il était disposé à échanger le journaliste contre Vadim Krasikov, emprisonné à vie en Allemagne pour l’assassinat d’un ancien commandant de la guerre de Tchétchénie, à Berlin, en 2019.

La condamnation du reporter était une condition préalable à un possible échange de prisonniers. En attendant, il devra purger sa peine dans une colonie pénitentiaire à régime sévère. Dès la publication du verdict, le président américain Joe Biden a fait savoir que les Etats-Unis travaillaient «d’arrache-pied» à sa libération.

Le reporter de 32 ans, accrédité auprès de toutes les instances officielles en tant que correspondant du Wall Street Journal, a été interpellé en mars 2023 et accusé de collecter des informations sensibles pour le compte de la CIA, en prenant «des mesures de secret minutieuses». Selon le FSB, le journaliste a été arrêté «alors qu’il tentait d’obtenir des informations classifiées». Peu avant son arrestation, Gershkovich s’était rendu à Nijni Taguil, où se trouve le producteur de chars Uralvagonzavod, l’un des principaux fabricants d’armements du pays. Un député local, Vyatcheslav Vegner, avait raconté que le journaliste l’avait interrogé sur ce que les Russes pensaient de la société militaire privée Wagner et du travail des entreprises militaires.

Arrestation «totalement illégale»

Le photographe qui travaillait avec lui sur cette mission assure que le journaliste préparait un article sur la façon dont les habitants des régions russes perçoivent la guerre. Gershkovich n’a jamais reconnu sa culpabilité, insistant sur le fait que ses activités étaient purement journalistiques. Le WSJ qualifie l’affaire de simulacre. Le président américain Joe Biden a pour sa part dénoncé l’arrestation du journaliste de «totalement illégale» et exigé plusieurs fois sa libération immédiate.

Evan Gershkovich est le premier journaliste occidental, depuis l’époque soviétique, à être accusé d’espionnage en Russie, qui détient plusieurs autres Américains, dont la journaliste russo-américaine Alsu Kurmasheva, arrêtée en 2023 pour une infraction à la loi sur les «agents de l’étranger», et l’ex-Marine Paul Whelan, qui purge une peine de 16 ans de prison pour espionnage. La Russo-Américaine, Ksenia Karelina, est jugée depuis le 20 juin, à Iekaterinbourg également, pour haute trahison, accusée d’avoir donné 50 dollars à un groupe de soutien à l’Ukraine. Un autre Américain, Michael Travis Leake, a été condamné jeudi à Moscou à 13 ans de prison pour trafic de drogue.

Mise à jour à 16h42 avec un commentaire de Joe Biden