Mauvais signe. Evan Gershkovich, derrière les barreaux depuis plus d’un an, sera jugé à partir du 26 juin, pour «espionnage». Le journaliste américain de 32 ans encourt une peine de vingt ans de prison ferme.
Est-ce à dire que les négociations en coulisses menées depuis des mois ont définitivement échoué ? Ou bien est-ce un de ses pions avancés par le Kremlin pour mettre un coup de pression sur Washington, au lendemain d’un nouveau paquet de sanctions décidé contre la Russie, et tandis que les dirigeants du G7, réunis en Italie, ont décidé d’une aide massive à l’Ukraine, aux frais de la banque centrale russe ?
«L’influence croissante des partisans de la ligne dure du Kremlin»
«L’affaire pénale a été renvoyée au tribunal régional de Sverdlovsk pour examen sur le fond», a indiqué ce jeudi le bureau du procureur de Russie, soulignant que le reporter de 32 ans avait «recueilli des informations secrètes» sur une usine d’armement pour le compte de la CIA, Ouralvagonzavod, fleuron de l’industrie militaire russe et l’un des plus grands fabricants de chars de combat au monde.
A la fin du mois de mars 2023, le journaliste américain d’origine russe a été interpellé à Ekaterinbourg, alors qu’il y était en reportage pour le Wall Street Journal, muni de toutes les accréditations officielles permettant aux journalistes de travailler en Russie. C’est dans cette ville de l’Oural qu’il sera jugé. Transféré à Moscou, il a été incarcéré au centre de détention provisoire Lefortovo, clamant inlassablement son innocence. Selon Bloomberg, l’arrestation de Gershkovich s’est faite avec l’accord personnel de Vladimir Poutine et «reflète l’influence croissante des partisans de la ligne dure du Kremlin qui insistent sur l’approfondissement de la confrontation avec Washington», dit leur source.
Peu avant son arrestation, Evan Gershkovich s’était rendu à Nijni-Taguil, où se trouve l’entreprise Ouralvagonzavod. Selon Vyatcheslav Vegner, un député de la région de Sverdlovsk, le journaliste l’aurait interrogé sur la façon dont les Russes perçoivent les sociétés militaires privées en général, et celle d’Evgueni Prigojine, Wagner, en particulier.
Procédure classée secrète
La Russie n’a jamais apporté publiquement d’éléments de preuves et l’ensemble de la procédure a été classée secrète. Le procureur n’a d’ailleurs donné aucune information supplémentaire ce jeudi. Les accusations portées à l’encontre de Gershkovich sont d’une gravité inédite depuis la fin de l’URSS pour un journaliste étranger. Vladimir Poutine a mentionné à plusieurs reprises que Moscou et Washington étaient en contact «permanent» sur le dossier, et qu’il était disposé à échanger le journaliste contre Vadim Krassikov, emprisonné à vie en Allemagne pour l’assassinat d’un ancien commandant de la guerre de Tchétchénie, à Berlin, en 2019.
En décembre, les autorités américaines ont indiqué que la Russie avait rejeté une offre de libération du reporter. Début juin, un ressortissant français, Laurent Vinatier, collaborateur d’une ONG suisse de règlement des conflits, a été également placé en détention, accusé de recueillir des informations sur l’armée russe, et ne pas s’être signalé comme «agent de l’étranger».
Mise à jour le 17 juin à 10h10 avec la date du début du procès.