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Libération
Soulagement

Sergueï Tikhanovski, mari de la figure de l’opposition bélarusse Svetlana Tikhanovskaïa, libéré de prison sur demande de Trump

L’époux de Svetlana Tikhanovskaïa, qui avait repris le flambeau après son emprisonnement, a été libéré et a retrouvé sa femme et ses enfants en Lituanie. La libération de l’opposant et de 13 autres prisonniers politiques a été obtenue par Washington.
Sergueï Tikhanovski retrouve sa femme Svetlana Tikhanovskaïa après sa libération, le samedi 21 juin. (Sviatlana Tsikhanouskaya via X/X. REUTERS)
publié le 21 juin 2025 à 17h05

Il descend de voiture, émacié, le crâne rasé, mais un large sourire sur le visage. Un pas et le voilà qui enlace Svetlana Tikhanovskaïa, sa femme qu’il n’a pas serrée dans ses bras depuis son arrestation, il y a cinq ans. Pendant quelques secondes, le couple est seul au monde. Sergueï tente maladroitement de cacher son visage avec les papiers qu’il tient à la main. On devine les larmes qui affleurent. Les applaudissements crépitent, les treize autres prisonniers, libérés en même temps que lui, descendent un à un du véhicule qui les a amenés ici, à Vilnius, dans l’Union européenne, en sécurité.

C’est l’ONG Viasna, qui s’occupe des prisonniers politiques en Bélarus, qui a annoncé samedi 21 juin la libération de Sergueï Tikhanovski et de treize autres prisonniers politiques. Au total, ce sont cinq Bélarusses, trois Polonais, deux Lituaniens, deux Japonais, un Estonien et un Suédois qui ont été libérés et qui se trouvent désormais «en sécurité en Lituanie et reçoivent des soins appropriés. Le rôle des Etats-Unis dans cette libération a été déterminant», a indiqué sur X le ministre lituanien des Affaires étrangères, Kestutis Budrys. Un peu plus tard, samedi dans la soirée, la porte-parole de la présidence bélarusse, Natalia Eismont, a confirmé l’intervention de Washington. «Le président [Loukachenko] a décidé de gracier 14 condamnés. Il s’agissait d’une demande du président des Etats-Unis», a-t-elle dit à l’agence russe Tass. La libération des prisonniers politiques a été négociée et obtenue par Keith Kellogg, envoyé spécial du gouvernement américain, a précisé le porte-parole du Premier ministre lituanien. Keith Kellogg avait rencontré plus tôt dans la journée le président Alexandre Loukachenko, selon Belta, l’agence d’Etat bélarusse.

«Il est près de moi, avec les enfants. Notre famille rêvait de cela depuis cinq ans (…)», a-t-elle ajouté sur Telegram.

Parmi les 13 autres prisonniers libérés se trouvent Ihar Karnei, journaliste de Radio Free Europe /Radio Liberty, mais aussi une professeure d’université, un homme d’affaires et un militant anarchiste, selon l’ONG bélarusse de défense des droits humains Viasna, elle-même persécutée par le pouvoir. La citoyenne suédo-bélarusse Galina Krasnyanskaya, arrêtée en 2023 pour des accusations de soutien à l’Ukraine, a également été libérée, a annoncé le Premier ministre suédois, Ulf Kristersson.

Quelques minutes après l’annonce de la libération de Sergueï Tikhanovski, son épouse avait remercié le président américain, Donald Trump, et l’Union européenne pour la libération de son mari après cinq ans de prison. «C’est difficile de décrire la joie dans mon cœur», a-t-elle écrit sur X. «Nous n’en avons pas terminé. 1 150 prisonniers politiques restent derrière les barreaux. Ils doivent être tous libérés», a-t-elle ajouté. Avant d’écrire un peu plus tard sur Telegram : «Il est près de moi, avec les enfants. Notre famille rêvait de cela depuis cinq ans».

Le blogueur Tikhanovski, 46 ans, avait été arrêté en mai 2020 peu avant de déclarer sa candidature à l’élection présidentielle au milieu d’une agitation sans précédent, marquée par des manifestations d’opposition historiques, suivies d’une grande vague de répression menée par le pouvoir du président Alexandre Loukachenko.

Après son arrestation, sa femme Svetlana avait repris le flambeau de l’opposition pendant la campagne présidentielle et mené une campagne dynamique et enthousiasmante aux côtés de deux autres femmes, Maria Kolesnikova et Veronika Tsepkalo, sur la promesse toute simple du changement. Tout l’été 2020, les manifestations de masse, rassemblant chaque jour plus de 200 000 citoyens en colère, avaient envahi les rues de Minsk et d’autres villes.

Le 9 août 2020, Svetlana Tikhanovskaïa avait refusé de reconnaître le résultat, manifestement truqué, de la présidentielle qui avait une nouvelle fois porté au pouvoir l’autocrate Loukachenko, qui clamait alors avoir remporté 80 % des suffrages. Il s’était alors lancé dans une énorme vague de répression contre l’opposition.

Image officielle de l’opposition en exil

Avec leurs deux enfants, Svetlana Tikhanovskaïa avait alors fui le Bélarus et s’était réfugiée en Lituanie. Depuis, elle est devenue l’image officielle de l’opposition en exil et a notamment reçu le prix Sakharov en 2020. Quant à Tikhanovski, il avait été condamné à dix-huit ans de prison, après l’élection, en 2021, au cours d’un procès politique où il avait été accusé d’«incitation à la haine et aux troubles».

La répression violente du régime de Loukachenko avait accéléré son isolation des pays européens et l’avait rapproché de Vladimir Poutine, auprès de qui il se comporte en vassal. Au point qu’en février 2022, le Bélarus avait servi de rampe de lancement aux troupes russes pour envahir l’Ukraine. Depuis un an, le régime a pourtant libéré plus de 250 prisonniers politiques, même si certains parmi les plus connus, comme Maria Kolesnikova ou Viktor Babariko restent encore enfermés.

En janvier, Alexandre Loukachenko a été réélu président pour la septième fois, pour un nouveau mandat de cinq ans, avec un score de plus de 87 % des voix et après avoir étouffé toutes velléités de dissidence, lors d’un scrutin une nouvelle fois dénoncé comme totalement trafiqué.

Peu après l’annonce de la libération des prisonniers, les messages de félicitation et de soulagement ont commencé à pleuvoir. Le ministre allemand des Affaires étrangères, Johann Wadephul, a ainsi salué samedi la libération de Sergueï Tikhanovski, tout en appelant à «ne pas oublier» les nombreux autres prisonniers politiques. «C’est une fantastique nouvelle qu’il soit enfin libre», a-t-il écrit sur le réseau social X. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s’est également félicitée de ces libérations. «C’est une nouvelle fantastique et un symbole d’espoir puissant pour tous les prisonniers politiques qui souffrent sous le régime brutal de Loukachenko.» «L’Europe continue d’appeler à leur libération immédiate», a-t-elle écrit sur X.

Mis à jour le 21/06/2025 à 18h18 avec détails des conditions de libération et premières réactions. Et à 22h21 avec nouvelles précisions sur le rôle de Trump.