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Défense

Service militaire en Allemagne : pour gonfler ses effectifs, l’armée envisage de «tirer au sort» les futurs appelés

Alors que le chancelier Friedrich Merz veut faire de l’armée allemande «la plus puissante d’Europe», le parlement doit débattre ce jeudi 16 octobre d’une réforme controversée de la conscription.

Un questionnaire obligatoire sera soumis aux hommes dès 18 ans, portant sur leurs parcours scolaire et professionnel et leur envie de s'engager. (Ina Fassbender/AFP)
Publié le 16/10/2025 à 11h56

Le hasard en outil pour gonfler les rangs de l’armée. Devant la menace d’une attaque russe, l’Allemagne prévoit de recruter 80 000 soldats en plus d’ici à 2035 : un objectif comme un défi pour son armée, la Bundeswehr, qui peine à recruter. L’armée allemande devrait ainsi passer de 180 000 à 260 000 soldats actifs en l’espace de quelques années, grâce à un projet de loi réformant le service militaire, débattu ce jeudi au Bundestag. Au cœur des discussions : les mesures à adopter si le volontariat ne suffit pas. Parmi elles, un possible tirage au sort, loin de faire consensus.

Mardi 14 octobre, soit deux jours avant la première lecture du texte au parlement, une conférence de presse censée présenter les contours de la réforme a été annulée pour cause de divergences au sein de la coalition de Friedrich Merz (à majorité conservatrice avec le concours des sociaux-démocrates). Si tous les députés s’accordent sur le principe du volontariat comme fondement de la mesure, les chrétiens-démocrates du CDU/CSU s’inquiètent d’une faible d’adhésion. Ils préconisent un système de loterie, déjà adopté par le Danemark, pour pallier cet éventuel manque de volontaires, que refusent les députés sociaux-démocrates du SPD.

Un formulaire obligatoire dès 18 ans

Un questionnaire en ligne obligatoire – dont la mise en place est prévue pour le mois de janvier 2026 – sera soumis aux jeunes de 18 ans, portant sur leurs antécédents et leur volonté de servir pendant au moins six mois. Selon les informations du ministère fédéral de la Défense, environ 350 000 hommes par classe d’âge rempliront ce formulaire ; les députés CDU/CSU espèrent pouvoir s’appuyer sur cet outil pour tirer au sort les jeunes hommes qui devront se présenter aux examens d’aptitude.

«L’Allemagne doit être capable de se défendre efficacement, non pas à un moment donné, mais bientôt», a défendu Jens Spahn, chef du groupe parlementaire CDU/CSU auprès de l’agence de presse allemande Redaktionsnetzwerk Deutschlands (RND), plaidant pour la mise en œuvre du compromis négocié, rejeté par le SPD. L’Allemagne est le dernier pays européen à avoir supprimé la conscription, soit le service militaire obligatoire, en 2011.

Les jeunes, «ignorés dans le débat»

Au-delà des oppositions rencontrées sur les bancs du Bundestag, la volonté du chancelier Merz de faire de l’armée allemande la «plus puissante d’Europe», pourrait se heurter à l’opinion publique. Si un récent sondage de l’institut Forsa pour l’hebdomadaire allemand Stern suggère que 54 % des personnes sont favorables au service obligatoire, 41 % y demeurent opposées. Un taux qui atteint 63 % chez les 18-29 ans, premiers concernés par la réforme de la conscription.

«Je trouve ça très injuste», indique notamment Sean, un étudiant allemand, auprès de France Info. «J’ai du respect pour l’armée mais je n’ai aucune envie de la rejoindre. Ce n’est vraiment pas mon truc», poursuit le jeune de 18 ans. Interrogé par RND, le secrétaire général de la Conférence fédérale des étudiants, Quentin Gärtner, déplore aussi que les jeunes soient ignorés dans le débat. «Le gouvernement fédéral devrait peut-être d’abord s’engager véritablement auprès des personnes concernées, au lieu de s’enliser dans des querelles internes de coalition», a-t-il déclaré à l’agence allemande.

«L’incertitude persistante ne favorisera certainement pas une meilleure acceptation de la part des jeunes. Nous traversons déjà une crise de santé mentale chez les enfants et les adolescents», a rappelé le responsable de la Conférence fédérale des étudiants.

Le tirage au sort des jeunes recrues n’est pas une nouveauté en Allemagne : il a déjà été expérimenté par la Bundeswehr, en 1960. Jugé peu efficace, le dispositif avait été supprimé cinq ans après son entrée en vigueur.