«On nous traite comme la dernière des merdes !» Grand et costaud, cheveu blanc cendré, Jordi Aulet Riera a beau avoir l’air jovial, un éclair de colère zèbre son regard quand il balaie ses vingt hectares de pommiers bien alignés. La propriété se situe au sortir de Torroella de Montgrí, dans le Bas-Ampurdan, au cœur du fertile delta du Ter, l’une des principales artères fluviales de la Catalogne. Alors que le crépuscule pointe, de gros nuages noirs ne déversent que quelques gouttelettes, une frustration trop connue dans une terre qui s’habitue à la sécheresse. Après cinquante ans de labeur, ce sexagénaire fils et petit-fils d’agriculteur pensait avoir tout bien fait, «avec application, méthode et passion». Grâce à un système d’arrosage dernier cri, il produit 700 tonnes de pommes par an dans la sobriété hydrique : «La numérisation permet de calculer précisément le taux d’humidité du sous-sol et de déclencher, si besoin, le goutte-à-goutte. Je peux vous dire qu’on ne perd pas un millilitre d’eau. Mais voilà, tout cela c’est une Ferrari sans essence.»
L’eau est le nouveau pétrole d’une Catalogne asséchée. Et