La présidente slovaque a confié ce lundi 2 octobre la formation du nouveau gouvernement au populiste Robert Fico, opposé à l’aide militaire à l’Ukraine et considéré comme prorusse. Son parti, Smer-SD, a obtenu 23% des voix, et devancé le parti centriste la Slovaquie progressiste (PS, 18%), lors du scrutin de samedi. « Je comprends que les résultats des élections soient associés à diverses préoccupations pour de nombreuses personnes », a déclaré Zuzana Caputova, elle-même ancienne responsable de la PS. Or, « la tâche du chef de l’État est de respecter le résultat des élections démocratiques », a-t-elle fait valoir.
Pendant la campagne, Robert Fico, 59 ans, a juré que la Slovaquie n’enverrait pas «une seule munition» à l’Ukraine et appelé à de meilleures relations avec la Russie. Les analystes prédisent qu’un gouvernement Fico pourrait rapprocher la politique étrangère slovaque de de celle du Premier ministre hongrois Viktor Orban. «La Slovaquie sera désormais plus proche de l’approche hongroise que de celle de la majorité de l’Europe», déclare l’analyste slovaque Tomas Koziak, de l’université des sciences politiques de la ville tchèque de Kutna Hora. «Robert Fico est un nouvel allié pour Viktor Orban», ajoute Tomas Koziak. Dimanche, il a estimé que son pays de 5,4 millions d’habitants avait des « problèmes plus importants » que l’aide à l’Ukraine. « Nous pensons que l’Ukraine est une immense tragédie pour tous. Si le Smer est chargé de former un cabinet (...), nous ferons de notre mieux pour organiser des pourparlers de paix dès que possible », a aussi déclaré Robert Fico à la presse.
Analyse
Le Smer devrait obtenir 42 sièges sur les 150 que compte le parlement et aura donc besoin de partenaires de coalition pour obtenir la majorité. Le parti de gauche Hlas-SD, qui a vu le jour en 2020 lorsqu’un groupe de députés du Smer a quitté le parti de Robert Fico, est l’un des partenaires potentiels, avec 27 sièges attendus. Hlas est dirigé par Peter Pellegrini, qui est devenu Premier ministre en 2018 après que Robert Fico soit contraint de démissionner à la suite des manifestations nationales qui ont suivi le meurtre du journaliste d’investigation Jan Kuciak et de sa fiancée. Tomas Kuciak avait révélé des liens entre la mafia italienne et le gouvernement de Fico dans son dernier article publié à titre posthume.
Deux anciens Premiers ministres
Peter Pellegrini a déclaré à la presse que ce n’était pas une bonne idée d’avoir deux anciens Premier ministres dans un même gouvernement, mais n’a pas exclu une éventuelle coalition. Les deux partis pourraient faire équipe avec le parti nationaliste slovaque (SNS), qui devrait remporter 10 sièges, pour obtenir une majorité parlementaire de 79 sièges. Robert Fico a déjà formé à deux reprises un gouvernement avec le SNS, qui est également opposé à l’aide militaire à l’Ukraine. La Slovaquie a été l’un des principaux donateurs européens à l’Ukraine, en proportion de son PIB.
Profil
Le ministre slovaque de la Défense, Martin Sklenar, s’est rendu à Kyiv juste avant le scrutin et, le jour de l’élection, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a remercié la Slovaquie de «se tenir aux côtés de l’Ukraine». «Nous devons écouter attentivement ce que Robert Fico dit très ouvertement, pense l’analyste indépendant Grigorij Meseznikov. Il diffuse des récits pro-russes et […] c’est une chose sérieuse. Il ne sera pas facile de mettre sa menace à exécution, mais il essaiera, et nous serons alors plus proches de la Hongrie.»
La Hongrie est considérée comme un fauteur de troubles au sein de l’UE, fréquemment critiquée sur les questions d’Etat de droit et qui entrave les efforts de l’UE et de l’OTAN pour aider l’Ukraine. Le prochain parlement slovaque comprendra également le parti centriste OLaNO de l’ancien Premier ministre Igor Matovic, en poste en 2020-2021, qui a été impliqué dans une bagarre avec un membre du Smer lors d’une campagne houleuse. OLaNO est à la tête d’une coalition de trois partis qui devrait remporter 16 sièges. Les démocrates chrétiens centristes et le parti de droite SaS ont également recueilli suffisamment de voix pour obtenir des sièges au parlement.
Théories conspirationnistes
La campagne électorale a été marquée par des taux particulièrement élevés de désinformation en ligne, visant souvent le président de la Slovaquie progressiste, Michal Simecka, un vice-président du Parlement européen. Une étude réalisée l’année dernière par le groupe de réflexion Globsec a montré qu’une majorité de Slovaques croyaient aux théories conspirationnistes populaires.
La Slovaquie est devenue indépendante en 1993, à la suite d’une séparation pacifique avec la République tchèque, après que la Tchécoslovaquie se soit débarrassée en 1989 d’un régime communiste de quatre décennies. La présidente slovaque Zuzana Caputova a dit cette semaine qu’elle confierait la formation du prochain gouvernement au chef du parti vainqueur, indépendamment de sa «préférence personnelle» en tant qu’ancienne membre de la Slovaquie progressiste.
Mis à jour lundi 2 octobre : avec la désignation de Robert Fico au poste de Premier ministre.