Ursula von der Leyen devrait être confirmée, ce soir, sauf immense surprise, à la présidence de la Commission européenne par les vingt-sept chefs d’Etat et de gouvernement réunis à Bruxelles. C’est peu dire que la démocrate-chrétienne allemande sera reconduite pour un second mandat de cinq ans sans aucun enthousiasme… Mais aucun autre nom susceptible de réunir une majorité qualifiée du Conseil européen (55 % des pays représentant 65 % de la population européenne) ne s’est imposé.
Allemagne, Espagne et France affaiblies
C’est la première rencontre des Vingt-Sept depuis les élections européennes des 6-9 juin et surtout l’électrochoc de la dissolution française qui pourrait déboucher sur un gouvernement Rassemblement national, ce qui stopperait net l’intégration communautaire et remettrait même en cause l’appartenance de l’Hexagone au camp occidental. Face à la gravité d’une crise créée de toutes pièces par Emmanuel Macron, l’urgence n’est plus aux finasseries sur le choix des personnalités appelées à diriger l’Union, mais à la stabilisation rapide des institutions communautaires afin d’affronter l’éventuel tsunami français. De toute façon, non seulement le Parti populaire européen (conservateurs européens), dont est membre Ursula von der Leyen, a largement gagné les élections (190 sièges contre 136 pour les socialistes et 80 pour les centristes), mais il est largement majoritaire au sein du Conseil européen – même s’il ne représente pas une majorité qualifiée, faute de grands pays mis à part la Pologne. En outre, les chefs d’Etat et de gouvernement qui n’appartiennent pas à cette famille tout en dirigeant de grands Etats dont la voix est prépondérante sont tous sortis affaiblis de cette séquence électorale : Emmanuel Macron, bien sûr, mais aussi le chancelier allemand Olaf Scholz ou le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez.
Le chef de l’Etat français, qui avait lancé le nom de l’Italien Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale européenne, comme alternative à l’ancienne ministre de la Défense d’Angela Merkel, dont il n’avait pas apprécié qu’elle accepte d’être la tête de liste du PPE, a d’ailleurs renoncé à mener un combat désormais perdu d’avance. Il a reçu Von der Leyen à l’Elysée la semaine dernière pour l’adouber, négociant sans doute des garanties sur son programme et sur le périmètre du portefeuille qui sera attribué au futur commissaire français (on ne sait toujours pas si Thierry Breton sera reconduit). De toute façon, l’hypothèse Draghi ne tenait guère la route, car il aurait fallu que Giorgia Meloni, la Première ministre italienne d’extrême droite, le propose puisqu’il revient à chaque pays de désigner «son» commissaire. On ne voit vraiment pas pourquoi elle aurait fait un tel cadeau à Emmanuel Macron et c’est encore plus vrai aujourd’hui, puisqu’il est affaibli comme jamais alors qu’elle a gagné haut la main les Européennes chez elle.
Majorité plus limitée qu’en 2019
Meloni préfèrera avoir un commissaire à sa main doté d’un portefeuille important, une promesse qu’elle a sans doute déjà obtenu de Von der Leyen pour prix de son ralliement et surtout pour obtenir les voix des députés de Fratelli d’Italia (FdI) lors du vote de confirmation par le Parlement européen. En effet, il s’annonce difficile puisqu’il faut obtenir 361 voix, soit une majorité absolue des 720 eurodéputés. En 2019, la déperdition avait été telle au sein des trois groupes qui la soutenaient (PPE, socialistes du S & D et centristes de Renew) qu’elle n’avait été élue que par 9 voix de majorité et encore grâce aux voix du PiS polonais (qui siège avec FdI au sein du groupe ECR)… Or cette fois, la majorité tripartite ne dispose plus que de 45 sièges de sécurité au-dessus de la majorité absolue, contre plus de 60 dans l’Hémicycle sortant. C’est d’ailleurs là que se jouera l’avenir de Von der Leyen et non au sein du Conseil européen. Cela étant, la situation française devrait, là aussi, lui bénéficier : les eurodéputés réfléchiront à deux fois, lors de leur vote à bulletins secrets le 17 juillet, à ajouter une crise européenne à la probable crise française.
Au final, la seule incertitude de ce sommet porte sur les noms des vice-présidents qui entoureront ou plutôt encadreront Von der Leyen. Et bien sûr sur le choix du président du Conseil européen qui remplacera le libéral Belge Charles Michel (l’ancien Premier ministre portugais, le socialiste António Costa, est cité) et du ministre des Affaires étrangères de l’Union, un poste actuellement occupé par le socialiste espagnol, Josep Borrell (le nom de la libérale Kaja Kallas, la Première ministre estonienne, revient souvent). Car si le poste de président de la Commission doit revenir à la première famille politique européenne, le PPE qui le truste depuis 2004, les deux autres «top jobs» sont répartis entre les socialistes et les libéraux en essayant à chaque fois de respecter un équilibre nord-sud et ouest-est.