Treize jours après la démission forcée de Boris Johnson, le Parti conservateur a le nom des deux finalistes pour sa succession : Rishi Sunak et Liz Truss. Le premier, ancien ministre de l’Economie, a précipité la chute du Premier ministre en démissionnant avec fracas le 5 juillet.
Mercredi devant la Chambre des Communes, Boris Johnson a mené sa dernière séance des questions au Premier ministre des députés, avant les vacances parlementaires. Il a terminé la séance par un provocateur «hasta la vista, baby», en référence à Terminator (qui revient toujours), et des conseils à destination de celui ou celle qui lui succèdera: «Restez proches des Américains, soutenez les Ukrainiens, battez-vous pour la liberté et la démocratie partout. Baissez les impôts et dérégulez où vous pouvez pour faire de ce pays le meilleur endroit pour vivre et investir.»
Profils
C’est donc son tombeur qui, malgré une campagne «tout sauf Rishi» menée par le clan Johnson, est arrivé en tête à chaque tour de scrutin avec 137 voix. Arrivée deuxième avec 113 des voix, Liz Truss est la ministre des Affaires étrangères et, contrairement à Rishi Sunak, n’a pas démissionné de son poste et s’évertue à se présenter comme la nouvelle Margaret Thatcher.
Débat ennuyeux et fade
Conformément à la tradition parlementaire, 357 députés tories (sur 358) se sont prononcés, votant par stratégie, dépit ou conviction. Lors de chaque vote, le dernier candidat était éliminé. Jusque-là, avaient déjà été écartés, un à un, huit prétendants, comme dans une téléréalité. Les candidats ont fait une campagne virtuelle, à coup de vidéos sur les réseaux sociaux et de tribunes dans la presse de droite. Deux débats ont été organisés – par Channel 4 et ITV –, à l’instar de ceux lors de la primaire des républicains aux Etats-Unis. Le troisième, prévu sur Sky News mardi soir, a été annulé à la suite du retrait de Rishi Sunak et Liz Truss, qui ne se sont pas fait de cadeaux sur le plateau d’ITV. Le motif ? Les frictions en public ne sont pas bonnes pour l’image du parti.
Le débat, ennuyeux, fade et sans éclat, s’est concentré sur la situation économique du pays et l’intégrité en politique. Les concurrents ont fait de la surenchère sur la baisse des impôts. Seul contre tous, Rishi Sunak, s’est vu traité de «socialiste», une insulte chez les tories. La question du climat, alors que le pays croule sous la chaleur, a été quasiment passée sous silence. Même le Brexit a été laissé de côté.
Parité et diversité
Le piège pour les candidats : leur relation à leur (ancien) patron, Boris Johnson. A la question «lui donneriez-vous un poste dans votre futur gouvernement ?» personne n’a osé lever la main. Mais face au peu de charisme des candidats, des chroniqueurs ont presque regretté les pitreries de Johnson. Lui, au moins, les faisait rire. Les tories ont toutefois excellé sur le plan de la diversité : sur huit compétiteurs, quatre sont des femmes et quatre sont issus des minorités (Nadhim Zahawi est Kurde né en Irak, la famille de Rishi Sunak est indienne, Kemi Badenoch a grandi au Nigeria jusqu’à ses 16 ans, Suella Braverman est d’origine indienne et africaine). Preuve que le parti s’est métamorphosé en vingt ans – une prouesse que s’est attribué, à juste titre, l’ex-Premier ministre David Cameron. Mais, paradoxalement, tous ont approuvé la politique controversée d’envoyer des demandeurs d’asile au Rwanda.
Les deux heureux finalistes ont plus d’un mois pour convaincre les près de 200 000 militants du parti, qui auront le dernier mot. Cette fois-ci, c’est sur le terrain que les candidats mèneront leurs campagnes. Le vote aura lieu par voie postale d’ici fin août. Le 5 septembre, Boris Johnson passera les rênes du pouvoir au vainqueur des urnes. Le Premier ministre présentera formellement sa démission à la reine, qui nommera son successeur. Les militants sont réputés plus thatchériens que les députés. La fin de campagne devrait être plus palpitante.