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Inondations

Tempête Boris : l’Autriche s’apprête à affronter des intempéries historiques

Sous des trombes d’eau depuis jeudi et alors que les météorologues ne s’attendent pas à une embellie avant le début de semaine prochaine, l’est du pays se prépare à des inondations ce week-end.
A Vienne, le samedi 13 septembre. (Leonhard Foeger/REUTERS)
publié le 14 septembre 2024 à 12h03

Le déluge avait déjà commencé, mais l’association d’alpinisme Alpenverein croyait encore bon de préciser, vendredi 13 septembre, pour les étourdis, que «personne n’[avait] rien à faire en haute montagne ce week-end». Etant donné l’ardeur presque fanatique avec laquelle certains Autrichiens s’adonnent à la randonnée, la précision n’était peut-être pas superflue. Cette alerte de l’Alpenverein est l’une des dizaines lancées en fin de semaine par toutes sortes d’organismes du pays, des associations d’automobilistes à la Croix-Rouge. Confrontée à des intempéries exceptionnelles avec la tempête Boris, l’Autriche se prépare à faire face à leurs conséquences attendues ce week-end : glissements de terrain, routes impraticables et, surtout, inondations, particulièrement dans l’est du pays.

Pourtant, le 8 septembre, on se baignait encore par près de 30°C dans les lacs et les piscines du pays et, en milieu de semaine, la population semblait encore avoir du mal à prendre au sérieux les premières alertes. Jusqu’à un présentateur météo qui souriait encore avec désinvolture devant la caméra – «brrr… il commence à faire frisquet» – jeudi, alors que la dépression atmosphérique venue de l’Adriatique atteignait déjà le pays. Son attitude faisait rugir le météorologue star suisse Jörg Kachelmann : la télévision risquait d’avoir «des morts sur la conscience», s’emportait celui-ci sur le réseau social X.

Crue du Danube

Alors que les préparatifs s’intensifiaient, le ton dans les médias a progressivement changé. Dès mercredi, le chancelier autrichien, Karl Nehammer, a évoqué une réunion de crise et la ministre de la Défense déclaré que «jusqu’à un millier de soldats» pourraient être déployés en renfort des pompiers. Vendredi, la société ferroviaire ÖBB annonçait la fermeture préventive de certains tronçons pour le week-end et conseillait aux voyageurs sur tout le territoire de renoncer, si possible, à leurs déplacements. Dans les neuf centrales hydroélectriques du réseau Verbund, habituellement entièrement automatisées et pilotées à distance, on s’apprêtait à passer en mode manuel. Quelque 350 employés doivent s’y relayer tout au long du week-end, pour éventuellement ouvrir les vannes face à la montée des eaux.

Car les spécialistes s’attendent à ce que la pluie continue à tomber à torrents jusqu’à mardi, entraînant une crue du Danube à des niveaux inégalés depuis trente ans – selon les prévisions de ce samedi matin. La catastrophe de 2002, lorsque des inondations avaient causé la mort de neuf personnes et 3 milliards d’euros de dégâts en Autriche, se reproduira-t-elle ?

«En plein centre-ville, l’eau atteignait le premier étage des habitations», se souvient le maire d’Emmersdorf-sur-le-Danube, petite bourgade dans la région viticole de la Wachau. Joint par Libération vendredi soir, Richard Hochratner s’apprêtait à activer un système de protection des crues depuis mis en place dans sa commune. Ce système d’urgence – un mur de béton armé, sur les berges, qui peut être surélevé, au besoin, pour atteindre jusqu’à 4 mètres de hauteur – a coûté 22 millions d’euros aux contribuables, précise l’édile, auxquels s’ajoutent 20 000 à 50 000 euros à chaque fois qu’il prend la décision de le déployer.

De nombreuses villes voisines, dans la Wachau, se retranchent ce week-end derrière des systèmes semblables. Plus à l’est, la capitale semble à l’abri d’une crue. Vienne a en effet réalisé des travaux pharaoniques de régulation du Danube dès les années 70 et 80, pour se protéger des inondations. La municipalité appelle néanmoins les habitants à limiter leurs sorties, car à la pluie s’ajoutent de dangereuses rafales.

Chute de température

Les autorités craignent des inondations plus importantes en bordure de certains affluents du Danube, moins régulés, surtout en Basse-Autriche. Dans cette région limitrophe de Vienne, les précipitations pourraient atteindre 200 ou même 300 litres par m² et le vent souffler avec une force «proche de l’ouragan», annonçait vendredi un officiel à la sortie d’une réunion de crise. Samedi matin, tous les yeux sont tournés vers la rivière Kamp, où la protection civile a dépêché deux convois d’urgence, pour protéger un poste électrique et, éventuellement, procéder à des évacuations.

Les précipitations s’accompagnent d’une chute de température et, dans les Alpes noriques, au centre du pays, la neige pourra descendre ce week-end jusqu’à 800 mètres d’altitude. Le col du Grossglockner et celui du Sölkpass sont fermés de manière préventive ; les pneus neige et des chaînes rendus ponctuellement obligatoires. Chance ou ironie climatique, la neige est une bonne nouvelle pour les vallées menacées d’inondation, l’eau sous forme solide étant retenue en montagne au lieu dévaler les pentes vers des zones déjà noyées sous les trombes.