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«Très fiers d’être là où on est» : le FC Sankt Pauli, club fanion de la gauche contestataire, remonte en première division allemande

Le club de football basé à Hambourg a validé ce dimanche 12 mai son accession en Bundesliga, où il n’a plus joué depuis 13 ans. A travers le monde, il est surtout connu pour son engagement politique progressiste.
Les supporters du FC Sankt Pauli envahissent le terrain du Millerntor Stadion après la victoire de leur équipe, dimanche, synonyme de montée en première division. (Christian Charisius/DPA. AP)
publié le 13 mai 2024 à 19h11

Sur la pelouse du Millerntor Stadion de Hambourg, en Allemagne, des milliers d’âmes enfiévrées déferlent dans un joyeux vacarme. Pour les supporters du FC Sankt Pauli, l’heure est à l’euphorie : fort de sa victoire contre Osnabruck, dimanche 12 mai, le club vient de valider son retour en Bundesliga, la première division nationale. Treize ans que les Marron et Blanc n’ont pas évolué au sommet du football allemand. Ce ne sont pas les performances sportives qui font la réputation internationale du FC Sankt Pauli, dont le palmarès est vierge de titre majeur. Mais son identité politique ancrée très à gauche - ainsi que son célèbre emblème à tête de mort de pirate, qui fait vendre des quantités astronomiques de produits dérivés en Allemagne comme à l’étranger.

FC Lampedusa et drapeau arc-en-ciel

«Si vous êtes supporter de Sankt Pauli, vous êtes forcément d’extrême gauche, rigole Martin, coprésident du fan-club francophone de l’équipe allemande, qui compte jusqu’à 600 groupes de supporters plus ou moins structurés à travers le monde. Cela veut dire que vous partagez les idées du club, que vous les défendez, que vous êtes à fond derrière.» Ces idées, le club établi dans un quartier populaire et interlope de Hambourg en voie de gentrification, s’efforce de les appliquer par des décisions concrètes, en cohérence avec sa charte qui revendique une «responsabilité sociale» et prône la «tolérance». Une anomalie dans un football professionnel qui tente le plus souvent d’évacuer autant que possible les débats qui agitent la société en profondeur.

Ainsi le FC Sankt Pauli fut dès 1963 le premier club allemand à aligner un joueur noir de peau, en la personne du Togolais Guy Acolaste. Bien des années plus tard, en 2013, la direction décide de hisser indéfiniment un drapeau arc-en-ciel sur le toit de son stade, en signe de soutien à la communauté LGBT. Puis, en 2015, lorsque l’arrivée en Allemagne de centaines de milliers de migrants poussés sur les routes de l’exil par la guerre en Syrie déclenche les critiques d’une partie de la droite européenne, la direction s’engage à nouveau sur la voie de solidarité. Elle fonde le FC Lampedusa (référence à l’île italienne par laquelle transitent nombre de migrants qui traversent la mer Méditerranée), une équipe de football composée de réfugiés qui se voient proposer des cours de langue et un accompagnement social pour faciliter leur intégration.

«Le club préfère mettre de l’argent dans des associations plutôt que de claquer quelques millions d’euros dans un joueur»

Encore un exemple : en 2017, le G20 est organisé à Hambourg et les autorités interdisent aux militants de gauche qui souhaitent manifester contre l’événement de planter leurs tentes dans deux parcs de la ville. Le club décide alors de fournir aux protestataires des solutions d’hébergement dans l’enceinte même de son stade. Jusqu’à 200 places leur seront proposées. Autant d’initiatives qui racontent l’engagement politique permanent du FC Sankt Pauli, auquel il faut ajouter l’activisme des supporters, qui organisent régulièrement des collectes de fonds pour des associations humanitaires. Et impriment au Millerntor Stadion une des ambiances les plus chaudes d’Allemagne, où les insultes homophobes entendues ailleurs dans les stades n’ont pas leur place («vous faites ça chez nous, vous vous faites virer tout de suite», glisse Martin).

Depuis le début du siècle, les Marron et Blanc n’ont disputé que deux petites saisons parmi l’élite du football allemand, chaque fois conclues à une piteuse dernière place. La saison prochaine, ils s’avanceront avec à leur tête un entraîneur prometteur et médiatique, le jeune Fabian Hürzeler (31 ans), mais avec un des budgets les pauvres du championnat. «Le club préfère mettre de l’argent dans des associations plutôt que de claquer quelques millions d’euros dans un joueur. Il est aussi très sélectif sur les entreprises avec lesquelles il collabore en matière de sponsoring. Donc on n’est pas un club riche. Est-ce que cela va nous permettre de nous maintenir ? On verra, mais avec nos moyens, on est déjà très fiers d’être là où on est», souligne Martin, qui, depuis l’Alsace où il réside, tente d’aller voir jouer son club de cœur plusieurs fois par an, à Hambourg ou en déplacement. En attendant la Bundesliga, les fans du FC Sankt Pauli rêvent de décrocher la première place de deuxième division à l’occasion de la dernière journée du championnat, le week-end prochain. Histoire de prolonger la fête et de garnir enfin l’armoire à trophées.