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Manœuvres

UE : Viktor Orbán veut former un nouveau groupe parlementaire européen

Alors que la Hongrie s’apprête à prendre la présidence tournante de l’UE lundi 1er juillet, le Premier ministre s’allie avec l’extrême droite autrichienne et les centristes tchèques pour tenter de peser au Parlement européen.
Le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, à Vienne le 30 juin 2024. (Tobias Steinmaurer /AFP)
publié le 30 juin 2024 à 14h40

Le timing n’a pas été choisi par hasard, alors que la Hongrie prend lundi 1er juillet la présidence tournante de l’Union européenne pour six mois, après des semaines de blocages et de tensions avec la Commission et ses partenaires. Le Premier ministre, Viktor Orbán, a annoncé ce dimanche son intention de former un nouveau groupe parlementaire européen avec le parti d’extrême droite autrichien FPÖ et le mouvement centriste de l’ancien Premier ministre tchèque Andrej Babis.

La nouvelle alliance, nommée «Patriotes pour l’Europe» et consacrée par un «manifeste», a été lancée lors d’une déclaration à Vienne aux côtés de Babis et de l’Autrichien Herbert Kickl, le chef du FPÖ. «Une nouvelle ère commence», a proclamé Orbán, promettant que cette faction, si elle voit le jour, «changera la politique européenne» pour faire entendre une vision différente contre le soutien militaire de l’Ukraine, contre «l’immigration illégale» et pour «la famille traditionnelle». «Une ère de liberté, souveraineté, paix, prospérité et valeurs, a complété Herbert Kickl qui, après la première place de son parti au scrutin européen du 9 juin, espère désormais ravir la chancellerie autrichienne lors des législatives prévues fin septembre. Aujourd’hui est un jour historique.»

Besoin du soutien des partis de quatre autres pays

Le Fidesz, le parti de Viktor Orbán, se trouve parmi les non-inscrits depuis qu’il a quitté en 2021 le Parti populaire européen (PPE, droite). Le FPÖ autrichien, lui, siégeait jusqu’à présent avec le groupe Identité et démocratie (ID), où se trouvent les députés du Rassemblement national (RN) français, tandis que le parti Ano du Tchèque Andrej Babis faisait partie de Renew Europe, qui inclut les libéraux et centristes, dont le parti Renaissance d’Emmanuel Macron.

Au Parlement européen, le Fidesz dispose de onze députés avec ses alliés du parti démocrate-chrétien KDNP, Ano de sept et le FPÖ de six membres. Cette alliance des «Patriotes pour l’Europe» a néanmoins besoin du soutien des partis de quatre autres pays afin d’être reconnue comme un groupe à part entière au Parlement européen.

Ces déclarations interviennent alors que Budapest s’apprête à prendre la présidence tournante de l’Union, redoutée par de nombreux fonctionnaires et dirigeants à Bruxelles. «L’UE a travaillé dur pour régler un certain nombre de dossiers sensibles avant l’expiration de la présidence belge : l’ouverture des négociations d’adhésion avec l’Ukraine et la Moldavie, l’adoption d’un nouveau paquet de sanctions contre la Russie et l’adoption de milliards d’aides à l’Ukraine», rappelle le site d’informations Politico Europe. Certains députés européens ayant lancé diverses actions pour affaiblir cette présidence, la présence de Viktor Orbán dans l’hémicycle européen devrait donner lieu à un sacré «spectacle médiatique», s’inquiète le média bruxellois.

19 milliards d’euros de fonds pour la Hongrie toujours gelés

Seul soulagement, cette direction ne se déroule pas à un moment clé au niveau législatif pour l’UE. L’attention est focalisée actuellement sur l’entrée en fonction des dirigeants nommés aux postes clés à la suite des élections européennes du 9 juin : l’Allemande Ursula von der Leyen, qui reste à la tête de la Commission, le Portugais António Costa, désigné à la présidence du Conseil, et l’Estonienne Kaja Kallas aux Affaires étrangères. Une fois que la nouvelle présidente de la Commission européenne aura reçu le feu vert du Parlement, chaque pays proposera ses candidats aux postes de commissaires, qui feront ensuite face à un interrogatoire et à un vote dans l’hémicycle. De quoi occuper un temps le Parlement avant tout débat législatif.

Viktor Orbán, qui a durci ces derniers temps son discours contre «l’élite technocratique bruxelloise» et «se creuse les méninges pour leur faire du tort», devrait néanmoins continuer de bloquer des dossiers clés et tenter d’assouplir les restrictions sur l’Etat de droit pour récupérer ses aides. Quelque 19 milliards d’euros de fonds sont toujours gelés à cause de manquements dans la lutte contre la corruption et d’atteintes répétées à la démocratie. «Ce sera une présidence comme les autres, nous agirons en tant que médiateur impartial», a tenté de déminer cette semaine l’ambassadeur hongrois auprès de l’UE, Bálint Odor.

Proche du président russe, Vladimir Poutine, et du président chinois, Xi Jinping, le plus ancien dirigeant en exercice du bloc a pourtant donné le ton en empruntant au président américain Donald Trump – qu’il soutient – le slogan des six mois à venir : «Make Europe Great Again» («Rendre sa grandeur à l’Europe»). Tout un programme.