Depuis le 24 février 2022, elle écrit les mêmes mots. Quotidiennement, sur X (anciennement Twitter) Kristina Berdynskykh, journaliste ukrainienne et collaboratrice de Libération, compte les jours. «Day 723», suivi de deux émojis : le drapeau ukrainien et un poing serré. Et ce simple hashtag : #Ukraine. 723 jours de guerre, deux ans ou presque.
En février 2023, dans notre premier «Libé des Ukrainiens», on saluait le courage extraordinaire et la dignité des Ukrainiens. Toujours debout, toujours fiers, 365 jours après la féroce invasion des forces russes. Une nouvelle année est passée. Le courage, la résilience sont toujours là. La guerre aussi. Et désormais, l’usure, la fatigue, parfois le découragement.
Dans ce deuxième «Libé des Ukrainiens», nos correspondants et envoyés spéciaux racontent ce trop de morts, de blessés, d’estropiés à vie. Ce trop de larmes, versées sur ces dizaines de milliers de tombes ornées de drapeaux bleu et jaune qui débordent de tous les cimetières du pays. La guerre a creusé les traits de chacun. Et notamment ceux du Président, Volodymyr Zelensky, qui a fait plusieurs fois le tour du monde pour obtenir plus d’armes, plus d’aide. Il est à Paris ce vendredi 16 février pour signer avec Emmanuel Macron un accord bilatéral de sécurité dont on ignore encore s’il lui apportera le début du second souffle qu’il cherche.
La guerre, elle pèse tant sur ces institutrices qui font la classe dans le métro de Kharkiv pour aider à faire grandir la prochaine génération, coûte que coûte. Mais comment grandir quand les bombes continuent quotidiennement à tomber ? Elle a vieilli prématurément ce soldat, qui combat auprès de son fils sur un front figé. Ou ces vieux villageois qui refusent de quitter leur maison à moitié détruite, entourée de champs minés. Ils n’attendent plus rien, même plus la paix.
La guerre en Ukraine ne dure pas depuis deux mais dix ans. En 2014, lors d’un autre mois de février, les Ukrainiens se levaient en masse, rêvant d’une Europe qui leur garantirait l’ouverture, le respect des libertés, l‘Etat de droit. Et puis la paix et la sécurité. La réponse russe avait déjà été sanglante, annexion illégale de la Crimée en prime. Dix ans plus tard, l’Ukraine reste résolument tournée vers un avenir européen. A l’opposé absolu de son agresseur, chez qui les libertés n’en finissent plus de se raréfier, dans une Russie où la vie ressemble de plus en plus à celle des années sombres de la dictature stalinienne.