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Plans sur la comète

Ukraine : l’émissaire de Trump voit le fleuve Dnipro en futur «Mur de Berlin» séparant le pays entre zones d’influence russe et européenne

Guerre entre l'Ukraine et la Russiedossier
Selon Keith Kellogg, il faudra répartir présences russe et européenne dans le pays après le conflit. Ou alors envisager une «zone démilitarisée» sur le modèle de ce qui perdure entre les deux Corées depuis les années 50.
Le fleuve Dnipro à Kyiv, le 4 avril 2025. (Efrem Lukatsky/AP)
publié le 12 avril 2025 à 10h16

L’Ukraine post-conflit pourrait ressembler au «Berlin d’après la Seconde Guerre mondiale», avec une présence à la fois de forces européennes et russes, séparées par le fleuve Dnipro, a décrit l’émissaire des Etats-Unis Keith Kellogg au quotidien britannique Times ce samedi 12 avril. Après plus de trois ans d’une guerre déclenchée par l’invasion russe du 24 février 2022 et des avancées extrêmement limitées vers une trêve, plusieurs pays tels que la France et le Royaume-Uni se sont dits favorables à l’idée d’une présence militaire européenne de maintien de la paix en Ukraine, dont ils proposent même de faire partie une fois le conflit terminé. Un sommet de cette «Coalition des volontaires» s’est tenu vendredi 11 avril à Bruxelles, pour affiner les contours de la future «force de réassurance» sur le terrain.

«Vous pourriez presque faire ressembler cela à ce qui s’est passé avec Berlin après la Deuxième Guerre mondiale, quand vous aviez une zone russe, une zone française, une zone britannique, une zone américaine», dépeint le général Kellogg dans un entretien publié samedi par le Times.

Et pour remplacer le mur de séparation construit en 1961 dans la capitale allemande – puis abattu en 1989 en pleine déliquescence de l’URSS –, l’émissaire américain pense au fleuve Dnipro, «un obstacle majeur» naturel qui coupe l’Ukraine et même Kyiv du nord au sud.

Selon Kellogg, une présence anglo-française sous la forme d’une «force de garantie» de la paix, à l’ouest du Dnipro, ne serait «pas du tout provocatrice» pour Moscou, qui ne cesse de répéter qu’elle ne veut pas entendre parler d’un déploiement européen. La Russie serait à l’est, tandis que les troupes ukrainiennes se tiendraient au milieu. Les Etats-Unis n’enverraient aucune force armée, a assuré le responsable.

«Partition»

Pour contrer les discussions et les projets européens, Vladimir Poutine a fait mine, fin mars, de proposer l’organisation d’une nouvelle élection en Ukraine sous l’égide de l’ONU et la mise en place d’une «administration transitoire» pour l’Ukraine, avec le contrôle des Nations unies. «Dans le cadre des activités de maintien de la paix de l’ONU, on a déjà recouru plusieurs fois ce qu’on appelle une administration transitoire», avait expliqué le président russe, en rappelant notamment le cas du Timor oriental en 1999.

Conscient que Vladimir Poutine pourrait «ne pas accepter» sa proposition, Keith Kellogg suggère également d’établir une «zone démilitarisée» entre les lignes ukrainienne et russe. Et ce afin de s’assurer qu’aucun échange de tirs n’ait lieu.

«Vous regardez une carte et vous créez, faute d’avoir un meilleur terme, une zone démilitarisée (DMZ). Les deux camps reculent chacun de 15 kilomètres», explique-t-il. Une zone tampon post-guerre, mais de seulement 4 kilomètres de large, existe par exemple entre les Corées du Nord et du Sud depuis 1953. «Vous pouvez surveiller ça plutôt facilement», affirme Keith Kellogg, ajoutant cependant : «Y aura-t-il des violations ? Probablement, parce qu’il y en a toujours.»

Dans une publication mettant en avant l’entretien avec l’émissaire, le Times a évoqué une «partition» de l’Ukraine comme un volet d’un éventuel accord de paix. Mais Keith Kellogg a estimé que ses propos avaient été «mal interprétés» : «Je parlais d’une force de résilience post-cessez-le-feu, en soutien de la souveraineté de l’Ukraine. Je faisais référence à des zones de responsabilité pour une force alliée [sans troupes américaines]. Je ne faisais PAS référence à une partition de l’Ukraine», a-t-il écrit sur X, écartant l’idée d’un redécoupage territorial.