Menu
Libération
Entre-deux

Ukraine-Russie : au Bélarus, l’armée «se prépare à la guerre»

Guerre entre l'Ukraine et la Russiedossier
Après de multiples entraînements, une nouvelle inspection des troupes est en cours. L’état-major ukrainien craint une nouvelle offensive par le nord, mais ne l’estime pas possible avant «la fin du mois de janvier».
En février dans la région bélarusse de Brest, frontalière de l'Ukraine, (Kovalev Peter/Abaca)
publié le 19 décembre 2022 à 7h37

Depuis l’invasion de l’Ukraine, le Bélarus vit dans un étrange entre-deux. Officiellement, le pays n’est pas en guerre, mais il ne connaît plus vraiment la paix. L’armée nationale va d’entraînements en passages de revue des troupes presque sans discontinuer. Depuis le 13 décembre, elle mène une «vérification de l’aptitude au combat», sa deuxième de l’année. Ses camps d’entraînement ont servi de base arrière à plus de 30 000 soldats russes au printemps, lors de l’offensive sur Kyiv, et de base de lancement pour des centaines de missiles qui ont visé l’Ukraine. Mais jusqu’ici, l’armée bélarusse n’a pas été impliquée directement dans le conflit.

Depuis plusieurs semaines, la pression monte. De nouvelles concentrations de troupes russes ont été repérées dans le pays depuis la fin du mois d’octobre. Selon l’hypothèse la plus probable, il s’agit de mobilisés russes en cours de formation. En parallèle, des équipements militaires entrent et sortent du pays. Plus d’une centaine de chars bélarusses ont été envoyés vers la Russie pour renforcer les fronts en Ukraine, et plus de 65 000 tonnes de munitions ont été livrées au voisin entre mars et septembre. D’autres équipements, y compris quelques véhicules de combat d’infanterie et des tanks T-72, sont récemment arrivés dans l’autre sens, depuis la Russie vers le Bélarus.

Visite de Poutine à Minsk

Si la guerre a achevé d’inféoder Alexandre Loukachenko au Kremlin, l’autocrate a pour le moment réussi à éviter les combats à son armée. Ce lundi, et pour la première fois depuis trois ans, Vladimir Poutine devrait faire le déplacement à Minsk pour rencontrer son vassal. L’objet de la discussion devrait être en partie militaire mais surtout économique, selon Loukachenko, dont le régime dépend des subsides du Kremlin. Le 3 décembre, le ministre de la Défense russe était déjà passé à Minsk pour une visite surprise. Sergueï Choïgou et son homologue Viktor Khrenin ont signé ce jour-là des amendements au traité d’union de 1997 qui n’ont pas été rendus publics.

«Au vu de la nature de la visite, il ne serait pas surprenant que les forces armées bélarusses soient désormais complètement subordonnées à l’état-major russe», estime Konrad Muzyka, analyste défense spécialiste du Bélarus. Selon lui, «l’armée bélarusse se prépare à la guerre depuis avril-mai». «Toutes les capacités ont été testées, de la mobilisation au soutien à l’arrière en passant par la guerre de manœuvres. Mais ces tests ont été menés à très petite échelle.»

L’éventualité d’une attaque ne paraît toutefois pas imminente. Sur les 50 000 hommes qui composent théoriquement l’armée nationale, la moitié n’est pas dans les rangs et devrait être fournie par une mobilisation. Malgré des rumeurs de plus en plus insistantes, celle-ci ne semble pas avoir commencé. Quant aux troupes russes présentes sur le territoire, elles ne sont pas suffisantes pour lancer une offensive de grande envergure et manquent probablement d’encadrement.

Territoire de marais infranchissables

Aux questions d’hommes s’ajoutent les problèmes de terrain. Après l’offensive sur Kyiv en février et mars, les Ukrainiens ont renforcé leurs défenses sur les routes qui mènent de la frontière nord à la capitale. Avancer par cet axe sera beaucoup plus compliqué qu’il y a dix mois. L’hypothèse d’une attaque du nord-ouest de l’Ukraine, là où passe une partie des livraisons d’armes occidentales et où se trouve une importante centrale nucléaire, a régulièrement été évoquée. Mais cette région de la Polésie est un territoire de marais infranchissables pour des blindés et où les routes descendant vers le sud sont étroites et rares.

«L’afflux de forces russes au Bélarus est régulier mais rien n’indique qu’elles soient amenées vers les zones frontalières, note Konrad Muzyka. Toutefois, il se passe trop de choses au Bélarus en ce moment pour qu’il ne s’agisse que de simples tentatives de fixation des forces ukrainiennes près de la frontière nord. Cela aurait pu être réalisé avec un coût bien moindre.»

Le lieutenant général Valeri Zaloujny, commandant des forces armées ukrainiennes, a lui aussi évoqué la perspective d’une nouvelle offensive russe, par le sud ou le Bélarus, dans une récente interview pour The Economist. «Je ne doute pas qu’ils tenteront à nouveau de s’emparer de Kyiv, affirme-t-il. Cela pourrait avoir lieu en février, au mieux en mars, et au pire à la fin du mois de janvier.»