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Généalogie

Un pape aux origines créoles ? Léon XIV, pur produit du «melting-pot» américain

Pape Léon XIVdossier
Premier pape américain de l’histoire, le cardinal Robert Francis Prevost voit ses origines disséquées depuis son élection, jeudi 8 mai au Vatican. Français, créole, voire métis ?
Le pape Léon XIV, le 8 mai au Vatican. (Guglielmo Mangiapane/Reuters)
publié le 10 mai 2025 à 12h31

Comme une parfaite incarnation. Non pas de l’Esprit saint mais du «melting-pot» américain, ce brassage des immigrés qui a fondé et fortifié les Etats-Unis depuis leur création. Depuis qu’il a été élu pour succéder à feu François, Léon XIV, né Robert Francis Prevost à Chicago en 1955, voit ses origines disséquées par la presse du monde entier. «Un pape péruvien», s’exclamait dès jeudi El Comercio, le principal journal de Lima, en référence aux vingt années du cardinal Prevost dans le pays, qui lui a en effet offert la nationalité en 2015.

Dans l’attente de la fumée blanche, les biographies préparées par les vaticanistes, émérites ou éphémères vu la couverture en mondovision du conclave, évoquaient souvent un père d’origine française et une mère soit d’origine italienne, soit d’origine franco-italienne, sans préciser à quand remontaient ces racines européennes du plus latino des prélats américains.

Vendredi puis samedi, le New York Times a ouvert de nouvelles pistes, réalisant une enquête généalogique sur les traces de la famille Prevost et trouvant au pape des racines créoles, à La Nouvelle-Orléans.

Au début du XXe siècle, Joseph Martinez et Louise Baquié, parents de Mildred Martinez, la future mère de Robert Prevost, «tous deux décrits comme noirs ou mulâtres dans divers documents historiques, vivaient dans le septième quartier de la ville, un quartier traditionnellement catholique et un melting-pot de personnes d’origines africaine, caribéenne et européenne», écrit le quotidien américain, citant comme sources un généalogiste de La Nouvelle-Orléans, Jari C. Honora, ainsi que John Prevost, le frère aîné du pape. Qui est donc «issu d’une famille qui reflète les nombreux fils qui constituent la trame complexe et riche de l’histoire américaine», ajoute le journal.

Un pape d’ascendance noire ?

De son côté, la directrice des archives du diocèse de La Nouvelle-Orléans, Katie Beeman, s’est plongée dans les registres de mariage et a retrouvé la trace de celui des parents, mais aussi des arrière-grands-parents de Léon XIV, ainsi qu’une pépite pour la catholique fervente qu’elle est : le certificat de baptême d’Eugénie Grambois, l’arrière-grand-mère du pape, en 1840 à la cathédrale Saint-Louis de La Nouvelle-Orléans.

S’il peut désigner des personnes métisses dans son acception française, le terme «créole» est plus vaste quand on parle de La Nouvelle-Orléans et de la Louisiane. Cependant, sur un premier document de recensement daté de 1900, Joseph Martinez est identifié par la lettre «B» pour «Black» et il est indiqué «Hayti» pour son lieu de naissance.

Dans d’autres documents, la lettre «W» pour «White» figure pour les deux parents, mais Saint-Domingue comme pays d’origine pour Joseph Martinez, avant qu’un troisième document ne comporte la mention «Louisiane» comme lieu de naissance, ce qui devrait occuper les généalogistes de tous poils pour un bail. Mais Jari C. Honora, qui est aussi historien local à la Historic New Orleans Collection, un musée du Quartier français, cela ne fait aucun doute : «Joseph Norval Martinez et Louise Baquié étaient tous deux des personnes de couleur.»

Interrogé par le New York Times à Chicago jeudi, John Prevost a expliqué que ses deux frères et lui s’étaient toujours considérés comme blancs et n’avaient jamais fait mention publiquement de ces racines créoles. Il a confirmé que ses grands-parents paternels étaient, eux, bien français (sans donner plus de détails) mais qu’il ne pouvait pas se prononcer sur les origines précises de sa mère : «Je ne peux pas vraiment vous le dire avec certitude, elle a peut-être juste dit espagnol.»

Lors d’une messe célébrée vendredi à la cathédrale Saint-Louis, les fidèles rayonnaient de ces liens découverts entre eux et le patron de l’Eglise, raconte le journal, qui cite − what else à la Nouvelle-Orléans − un clarinettiste de jazz, Michael White : «Je pense qu’il va y avoir non seulement un élan de fierté ici, mais aussi un désir d’aider le pape et l’espoir que la situation s’améliore pour l’Eglise catholique et aussi pour les gens d’ici.»